1ère étape - Mercredi 18 Août 2010 : 
Le Puy-en-Velay > Le Monastier-sur-Gazeille (930 m) - 19 km

 


"J'avais cherché l'aventure toute ma vie, une aventure pure
et sans passion, comme il en advenait aux voyageurs héroïques
des premiers temps; et se trouver ainsi, au matin, dans un coin perdu
et boisé du Gévaudan, désorienté, aussi étranger à ce qui m'entourait
que le premier homme abandonné dans les terres, c'était vo
ir,
comblée, une partie de mes rêves éveillés."


Robert Louis Stevenson
 



Moment d'émotion au départ de ce Chemin, avec derrière soi la Cathédrale et la Vierge du Puy-en-Velay
 

   
Un beau chemin dallé "La calade d'Ours", une première rencontre, et les premiers kilomètres en ascension jusqu'au petit village d'Ours


 
Les croix jalonnent le Chemin, témoins immobiles d'un passé religieux populaire


Cécile et Cédric, nos 2 premiers compagnons de Chemin qui sont partis comme nous
du Puy-en-Velay
et envisagent de continuer leur périple jusque dans les Alpes...

  
L'église et le château à Monastier-sur-Gazeille
(Les teintes contrastées de ces bâtiments proviennent des roches volcaniques du pays)

 

Hébergement au gîte d'étape d'Emmanuel Falgon (Relais Stevenson)
Confort rudimentaire mais bon accueil et tranquille.
 Dîner servi au gîte par notre hôte.  
2 Coquilles


Extrait du Topo de Jacques Castonguay, mon ami québecois qui a fait ce Chemin en Mai 2007

Du Puy-en-Velay à Le Monastier-sur-Gazeille

Au lever, le ciel est couvert et cela n’augure pas bien pour la température du jour. De fait, après le petit déjeuner, c’est sous une
petite bruine tenace que je quitte l’Auberge de Jeunesse. Je traverse la cathédrale pour sortir à l’ouest par l'impressionnante façade
et jeter un dernier regard sur les collines d’où j’avais attaqué le Chemin du Puy-en-Velay en mai 2005. Je descends ensuite l’escalier
abrupt de 134 marches de la rue des Tables qui m’amène dans la vieille basse ville où je retrace les balises rouges et blanches
du GR 70. C’est le point de départ de ma marche. Tout le long de ma route, je devrai consulter mon guide car divers « GR »
se coupent et peuvent prêter à confusion. Le premier hameau traversé est celui d’Ours avec les ruines d’un château
et une magnifique et vénérable croix en pierre sculptée portant la date de 1660 soit près de 350 ans d’âge !
Dans la rosée, j’avance sur un joli sentier herbeux bordé d’arbustes et de murettes qui témoignent d’un épierrage obligé du sol.
Partout, je verrai de tels murs de pierres que des générations d’agriculteurs ont dû s’éreinter à édifier. Je remarque aussi des arbres
dits « pins des boulangers ». Il s’agit de petits pins qu’autrefois on élaguait pour en tirer des fagots destinés aux boulangeries.
Entre deux maisons du bourg, un chien hargneux voulant m’impressionner déboule sur moi.
Je l’ignore ce qui est désarmant pour un chien et je continue ma route entre la Garde de l’Ours et la Garde de Moris.
Mon guide m’apprend qu’ici on appelle « gardes » ces cônes volcaniques couverts de pins qui ponctuent le plateau du Velay.
A une bifurcation, je rejoins mes premiers randonneurs qui s’avèrent être trois Ecossais, une femme et deux hommes venant marcher eux aussi sur les traces de Stevenson, leur concitoyen. Coupe-vent aux couleurs vives et sacs à dos rebondis, ils marchent
à mon rythme. Je les reverrai donc presque chaque jour et je serai à l’occasion leur interprète vu que leur connaissance du français
est limitée. Bons marcheurs, ils sont curieux de l’histoire de la région et amoureux avec raison de la cuisine et des vins français.

Après Les Esclos et Morgues, j’arrive au bourg de Coubon en traversant la Loire sur un pont moderne, l’ancien ayant été emporté
par une crue en septembre 1980. Après avoir laissé mes Ecossais à un café pour une pause, je m’arrête à une boulangerie
en observant au loin, sur une montagne dominant le village, les ruines du château de Bouzols. En pleine forme et sous un ciel
qui se dégage, je poursuis mon chemin. Une autre belle croix de pierre grise m’indique que j’arrive à Petalou que je dois traverser
avant d’emprunter la route de l’Holme et de Poinsac. Des sentiers se coupent, le GR 3 et le GR 70 et ils me font hésiter.
Je trouve toutefois le bon chemin pour parvenir au hameau de l’Herm avec ses belles maisons de pierre et un joli abreuvoir lavoir
fleuri. Je reverrai souvent ces lavoirs qui ne sont plus utilisés mais dont plusieurs ont été conservés. Toujours bien situés au soleil
et protégés des vents, les lavoirs avaient jadis une fonction pratique évidente mais ils jouaient aussi un rôle social important
car ils étaient des lieux traditionnels de rencontres et d’échanges entre lavandières du bourg.
Traditionnellement, un abreuvoir était aussi situé près du lavoir et de la fontaine qui fournissait l’eau et ceux que je vois
sur le chemin sont constitués de deux ou trois bacs en pierre de taille, du grès provenant de carrières voisines.
L’abreuvoir servait à fournir l’eau aux bestiaux qu’on conduisait au pâturage. On retrouvait aussi souvent,
pas loin des abreuvoirs, des métiers à ferrer où on posait des fers aux boeufs de labour et aux chevaux.
Ils portent aussi le nom de « travail » ou « ferradou ». Durant ma marche sur le Chemin de Stevenson, j’en vois quelques-uns,
certains en bois, d’autres en fer. A l’âge des tracteurs ils sont des témoins silencieux d’une époque révolue. J’ai aussi souvenir
d’avoir vu un tel « travail » dans la campagne de mon enfance au Québec et d’y être allé avec mon père pour faire ferrer un cheval.

J’arrive finalement à ma destination du jour, Le Monastier-sur-Gazeille. C’est une ville qui s’étire le long d’une rue à flanc de colline.
Je dépose mon sac à dos au confortable Relais Stevenson tenu par Emmanuel Falgon. C’est un fils du pays revenu depuis un an
pour ouvrir ce gîte pour randonneurs. Il a aménagé une vieille maison qui peut loger une dizaine de marcheurs
et leur offrir le couvert. L’accueil est chaleureux et le gîte confortable et bien tenu. Après une douche, je sors visiter
la vénérable église abbatiale Saint-Théofrède ou Saint-Chaffre. C’est un édifice roman du 11ème siècle à l’imposante façade
et aux murs de pierres ocres, brunes et noires. A l’intérieur, je remarque la riche iconographie de ses chapiteaux sculptés
et un orgue de 1518 avec un buffet polychrome remarquable. Vers la fin du 5ème siècle fut fondée ici l’Abbaye Saint-Chaffre .
A l’arrière de l’église, je découvre un château massif qui été autrefois la résidence du prieur de l’ancienne abbaye.
J’effectue une courte visite à la mairie pour voir une série de photos illustrant le Chemin de Stevenson. Je remarque aussi des
photos du viaduc de Recoumène, un splendide ouvrage d’art à huit arches édifié dans les environs mais que je n’ai pas le temps
d’aller visiter. Il a été construit en basalte bleu en 1922 pour la voie ferrée transcévenole qui ne fonctionna jamais.
Bel exemple d’une bêtise administrative et de dépenses inutiles, c’est aujourd’hui le centre européen de saut à l’élastique.
Stevenson a séjourné un bon mois dans ce village et son livre en fait état. Il a de plus laissé des croquis au fusain qui illustrent des
dentellières de rue nombreuses ici en 1878. Au gîte, je retrouve Rosa et Pierre, un couple de belges rencontrés au Puy-en-Velay
le jour précédent. Un ancien employé de Peugeot, Denis, partage ma chambre. Grand randonneur, il est sympathique mais est aussi
un bruyant ronfleur et un grand bavard ! Je partage mon dîner avec Jacques et Marie-Rose, deux autres belges grands amoureux
de la marche. Jacques a fait carrière dans l’importation de bois, ce qui l’a amené à visiter la côte ouest du Canada à plusieurs reprises. Au repas, nous dégustons des saucisses de Langogne servies avec les fameuses petites lentilles du Puy.
Les jours suivants, je verrai des champs plantés de ces lentilles qui sont protégées par une AOC (appellation d‘origine contrôlée).
Je m’endors au bruit de la pluie sur les carreaux.

 

 


        lourde chaleur d'août
        torpeur   silence
        chambre crépusculaire

        en toi
                 désirs   pensées
                 espoirs   mots
        tout est à l'agonie

        d'un œil mauvais
        trop lucide
        tu réexamines
        tes chemins

        heures figées
        souffrance nue
        solitude

        dans la dépossession
        ton face à face
        avec le temps


   Ce pays du silence  -  Charles Juliet
 

 

  

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