Vendredi 23 Mai 2008  -  La Gudiña > Laza  (33,8 km)



    Le coup de corne et la mort


    A cinq heures du soir.
    Il était juste cinq heures du soir.
    Un enfant apporta le blanc linceul
    à cinq heures du soir.
    Le panier de chaux déjà prêt
    à cinq heures du soir.
    Et le reste n'était que mort,rien que mort
    à cinq heures du soir.

    Le vent chassa la charpie
    à cinq heures du soir.
    Et l'oxyde sema cristal et nickel
    à cinq heures du soir.
    Déjà luttent la colombe et le léopard
    à cinq heures du soir.
    Et la cuisse avec la corne désolée
    à cinq heures du soir.
    Le glas commença à sonner
    à cinq heures du soir.
    Les cloches d'arsenic et la fumée
    à cinq heures du soir.
    Dans les recoins, des groupes de silence
    à cinq heures du soir.
    Et le taureau seul, le coeur offert !
    A cinq heures du soir.
    Quand vint la sueur de neige
    à cinq heures du soir,
    quand l'arène se couvrit d'iode
    à cinq heures du soir,
    la mort déposa ses oeufs dans la blessure
    à cinq heures du soir.
    A cinq heures du soir.
    Juste à cinq heures du soir.


    Un cercueil à roues pour couche
    à cinq heures du soir.
    Flûtes et ossements sonnent à ses oreilles
    à cinq heures du soir.
    Déjà le taureau mugissait contre son front
    à cinq heures du soir.
    La chambre s'irisait d'agonie
    à cinq heures du soir.
    Déjà au loin s'approche la gangrène
    à cinq heures du soir.
    Trompe d'iris sur l'aine qui verdit
    à cinq heures du soir.
    Les plaies brûlaient comme des soleils
    à cinq heures du soir,
    et la foule brisait les fenêtres
    à cinq heures du soir.
    A cinq heures du soir.

    Aïe, quelles terribles cinq heures du soir !
    Il était cinq heures à toutes les horloges.
    Il était cinq heures à l'ombre du soir !
     

    La cogida y la muerte

    A las cinco de la tarde.
    Eran las cinco en punto de la tarde.
    Un niño trajo la blanca sábana
    a las cinco de la tarde.
    Una espuerta de cal ya prevenida
    a las cinco de la tarde.
    Lo demás era muerte y sólo muerte
    a las cinco de la tarde.

    El viento se llevó los algodones
    a las cinco de la tarde.
    Y el óxido sembró cristal y níquel
    a las cinco de la tarde.
    Ya luchan la paloma y el leopardo
    a las cinco de la tarde.
    Y un muslo con un asta desolada
    a las cinco de la tarde.
    Comenzaron los sones del bordón
    a las cinco de la tarde.
    Las campanas de arsénico y el humo
    a las cinco de la tarde.
    En las esquinas grupos de silencio
    a las cinco de la tarde.
    ¡Y el toro solo corazón arriba!
    a las cinco de la tarde.
    Cuando el sudor de nieve fué llegando
    a las cinco de la tarde,
    cuando la plaza se cubrió de yodo
    a las cinco de la tarde,
    la muerte puso huevos en la herida
    a las cinco de la tarde.
    A las cinco de la tarde.
    A las cinco en punto de la tarde.


    Un ataúd con ruedas es la cama
    a las cinco de la tarde.
    Huesos y flautas suenan en su oído
    a las cinco de la tarde.
    El toro ya mugía por su frente
    a las cinco de la tarde.
    El cuarto se irisaba de agonía
    a las cinco de la tarde.
    A lo lejos ya viene la gangrena
    a las cinco de la tarde.
    Trompa de lirio por las verdes ingles
    a las cinco de la tarde.
    Las heridas quemaban como soles
    a la cinco de la tarde,
    y el gentío rompía las ventanas
    a la cinco de la tarde.
    A las cinco de la tarde.
    ¡Ay qué terribles cinco de la tarde!
    ¡Eran las cinco en todos los relojes!
    ¡Eran las cinco en sombra de la tarde!

Chant Funèbre pour Ignacio Sanchez Mejias  -  Federico Garcia Lorca
Traduction originale du poème en français; Sylvie Corpas et Nicolas Pewny:
(traduction agréée par la Fondation et les héritiers de Garcia Lorca)




Dans la montagne, après La Gudiña



Dans la brume, un aperçu de l'embalse de las Portas


    
Les bruyères multicolores...


                    
Les chemins de crête...


                    
Genêts blancs et ruisseaux le long de la route


                                                                                                                                          
A Campobecerros ancienne commanderie des chevaliers de l'ordre de Santiago,
        Une statue de Saint Jacques au dessus du porche d'entrée                                                    Le clocher de l'église de La Asuncion           
                     


                          
Que de pluie tout au long de cette étape !                                                   La croix du pèlerin défunt un peu après Porto Camba
                                                                                                                (En mémoire des pèlerins morts sur le Chemin de Compostelle)




Un moment d'éclaircie pour pouvoir contempler un beau panorama...


                    
                                                                                                                Sans doute l'église paroissiale San Juan de Laza



Le dîner au bar Picota avec 2 couples de français et 2 basques
 


    L'étape aurait du être superbe, malheureusement, tout au long de la journée le beau parcours de montagne
    par des chemins de crête autour de 1000 m d'altitude s'est fait dans la brume et sous une pluie par moments
    assez forte. On devine les beaux paysages et le point de vue magnifique sur la vallée du Rio Camba et le lac
    artificiel de Las Portas, mais j'ai le plus souvent la tête dans la capuche et le regard sur le chemin qui
    s'allonge devant moi sans pouvoir jouir de cet environnement de toute beauté.

    Mais c'est cela aussi le Camino, accepter avec philosophie les désagréments climatiques !
    Il y a une succession de hameaux dépeuplés reliés entre eux par une ligne de Chemin de Fer serpentant
    à flanc de montagne. Je m'arrête à Campobecerros, dans un bar où l'on me sert un énorme bocadillo
    avec queso et chorizo !  J'arrive à l'albergue de Laza à 16h sous la pluie, l'endroit est super et je partagerai
    un bon dîner avec d'autres pèlerins au Bar Picota, ce qui fera un peu oublier cette journée d'intempéries !


 


Hébergement dans l'albergue de peregrinos de la Xunta de Galicia
avec cuisine, chauffage (On peut faire sécher ses affaires), patio intérieur
et d'une capacité de  30 à 35 lits.

3 Euros la nuit  -  4 Coquilles
 

 


Alchimie du verbe

A moi. L'histoire d'une de mes folies.
Depuis longtemps je me vantais de posséder tous les paysages possibles,
et trouvais dérisoires les célébrités de la peinture et de la poésie moderne.
J'aimais les peintures idiotes, dessus de portes, décors,
toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires ;
la littérature démodée, latin d'église, livres érotiques sans orthographe,
romans de nos aïeules, contes de fées, petits livres de l'enfance,
opéras vieux, refrains niais, rythmes naïfs.
Je rêvais croisades, voyages de découvertes dont on n'a pas de relations,
républiques sans histoires, guerres de religion étouffées,
révolutions de moeurs, déplacements de races et de continents :
je croyais à tous les enchantements.
J'inventai la couleur des voyelles !
-- A noir, E blanc, I rouge, O bleu, U vert. --
Je réglai la forme et le mouvement de chaque consonne,
et, avec des rythmes instinctifs,
je me flattai d'inventer un verbe poétique accessible,
un jour ou l'autre, à tous les sens. Je réservais la traduction.
Ce fut d'abord une étude. J'écrivais des silences, des nuits,
je notais l'inexprimable. Je fixais des vertiges.


Une Saison en Enfer-  Arthur Rimbaud






  • Perdre le Midi quotidien

    Perdre le Midi quotidien ;
    traverser des cours, des arches, des ponts ;
    tenter les chemins bifurqués ;
    m'essouffler aux marches, aux rampes, aux escalades ;

    Éviter la stèle précise ;
    contourner les murs usuels ; trébucher ingénument parmi ces rochers factices ;
    sauter ce ravin ; m'attarder en ce jardin ; revenir parfois en arrière,

    Et par un lacis réversible égarer enfin le quadruple sens des Points du Ciel.

    Tout cela, -- amis, parents, familiers et femmes, -- tout cela, pour tromper aussi vos chères poursuites ;
    pour oublier quel coin de l'horizon carré vous recèle,
    Quel sentier vous ramène, quelle amitié vous guide,
    quelles bontés menacent, quels transports vont éclater.

    Mais, perçant la porte en forme de cercle parfait ; débouchant ailleurs :
    (au beau milieu du lac en forme de cercle parfait, cet abri fermé, circulaire, au beau milieu du lac, et de tout,)

    Tout confondre, de l'orient d'amour à l'occident héroïque,
    du midi face au Prince au nord trop amical,
    -- pour atteindre l'autre, le cinquième, centre et Milieu.
    Qui est moi


    Stèles du Milieu  -  Victor Segalen
     

    Etape suivante

    Retour