Les Fioretti de Saint François d'Assise
Du
merveilleux chapitre fait à Sainte-Marie des Anges (Suite)
Et tous, tant qu'ils étaient, ils reçurent ce
commandement avec un cœur plein d'allégresse et le visage joyeux. Et le sermon
de saint François terminé, ils se mirent tous en oraison. De quoi, saint
Dominique, qui était présent à toutes ces choses, s'étonna fortement du
commandement de saint François et le trouvait indiscret, ne pouvant penser
comment une telle multitude pût se soutenir sans avoir nul souci ou sollicitude
des choses nécessaires au corps. Mais le pasteur suprême, le Christ béni,
voulant montrer comment il a soin de ses brebis et quel amour singulier il a
pour ses pauvres, inspira aussitôt aux gens de Pérouse, de Spolète, de Foligno,
de Spello et d'Assise et de tous les autres lieux d'alentour de porter à manger
et à boire à cette sainte assemblée. Et soudain, voici venir des dits lieux des
hommes avec des bêtes de somme, des chariots, des chargements de pain et de
vin, de fèves et de fromage, et d'autres bonnes choses à manger, selon qu'il était
nécessaire aux pauvres du Christ.
Outre cela, ils apportaient des nappes et des cruchons et des verres et autres vases qui étaient nécessaires pour une telle
multitude. Et bienheureux s'estimait qui pouvait apporter le plus de choses ou
servir avec le plus d'empressement si bien que même les chevaliers, barons et
autres gentilshommes qui venaient voir, les servaient avec grande humilité et
dévotion. C'est pourquoi, saint Dominique voyant ces choses et reconnaissant
que vraiment la providence divine s'employait pour eux, reconnut humblement que
c'est à tort qu'il avait jugé indiscret le commandement de saint François, et
s'agenouillant devant lui, il avoua humblement sa faute et ajouta :
"Vraiment Dieu a un soin spécial de ces saints petits pauvres et je ne le
savais pas. Et, dorénavant, je promets d'observer l'évangélique pauvreté; et je
maudis de la part de Dieu tous les frères de mon Ordre qui auront dans le dit
Ordre la présomption d'avoir quelque chose en propre".
Ainsi, saint
Dominique fut très édifié de la foi du très saint François et de l'obéissance
et de la pauvreté d'une assemblée si grande et si bien ordonnée et de la
providence divine et de la copieuse abondance de tous biens. Dans ce même
chapitre, il fut dit à saint François que beaucoup de frères portaient une
sorte de chemise de crin et des cercles de fer sur les chairs, que, à cause de
cela, beaucoup en tombaient malades et que quelques-uns en mouraient, et que
beaucoup en étaient empêchés de prier. De cela, en père discret, saint François
commanda par la sainte obéissance, que quiconque portait cette chemise ou ces
cercles de fer, les retirât et les posât devant lui. Et ainsi firent-ils. Et
l'on compta bien cinq cents chemises de fer et encore plus de cercles de fer,
portés aux bras et comme ceintures. Et il y en avait tant qu'ils en firent un
grand tas. Et saint François les fit laisser là. Puis, le chapitre terminé,
saint François les encouragea tous dans le bien et leur enseigna comment ils
devaient échapper sans péché à ce monde mauvais, et, avec la bénédiction de
Dieu, et la sienne, il les renvoya dans leur province, tout consolés de joie
spirituelle.
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