COMMENT EN 1221, FRANCOIS APAISA LES PEURS ET FIT REGNER LA
PAIX
François d’Assise est le dernier des 150 saints dont la vie est racontée dans
la Légende dorée, le livre le plus lu au Moyen Age après la Bible. On en
connaît de nos jours 1.000 exemplaires manuscrits conservés depuis 1266.
L’épisode du fameux loup apprivoisé par François est quelque chose d’infiniment
touchant et qui sort en première ligne quand on évoque les faits et gestes du
Pauvre d’Assise. Beaucoup de gens ne connaissent de lui que cet épisode peu
banal. Y a-t-il au monde quelqu’un qui aime les loups ? Depuis la nuit des
temps, le loup est un animal qui engendre la peur, la panique même, la
détestation la plus totale chez la plupart d’entre nous. Rien n’y fait : ce
magnifique animal sans collier, ni laisse, ni muselière ne sera jamais «
compatible » avec la vie des humains ! Et tout simplement parce qu’il fait
peur. Parce que, avoir peur, c’est voir un danger arriver sur nous sans que
nous puissions l’éviter ou nous défendre. C’est avoir envie de fuir… et rester
cloué sur place. La peur, elle existe depuis Adam et Eve.
Or, voici qu’à
Gubbio, petite cité très ancienne voisine d’Assise, on vivait dans la terreur !
Un loup d’une taille exceptionnelle manifestait une faim tout aussi
gigantesque, s’attaquant aussi bien aux troupeaux qu’à leurs bergers. Et il lui
arrivait maintenant de « descendre en ville ».
Un jour où François venait de
prêcher, les habitants lui racontèrent leur souci, et François eut pitié. Ne
tenant pas compte de leurs avertissements, il partit à la recherche du monstre,
pieds nus et sans le moindre bâton. Les autres le suivaient, mais de loin, intrigués autant qu’apeurés. C’est sûr, il allait se faire dévorer ! Et
François avançait tranquillement… Et tout à coup, ce fut la rencontre !
François fit le signe de la croix et dit à l’animal : « Frère Loup, viens près
de moi, et je te demande de ne pas nous faire de mal ! Tu abuses de ta force,
tu es méchant, tout le monde veut te voir mort !... Ecoute, frère Loup, je veux
qu’il y ait la paix entre toi et tous les habitants et tous les animaux ! » Le
loup s’était arrêté, il s’assit et pencha la tête…il pensait sûrement : « Ça
veut dire quoi, ce discours ? ». Et François de continuer : « Les habitants de
cette cité te fourniront chaque jour ta nourriture, et tu ne toucheras plus
jamais à aucun être vivant. Tu me le promets ? » Alors, ce monstre qui faisait
si peur leva la patte droite et la mit dans la main de François. Et François
redescendit en ville accompagné de cet animal devenu doux comme un agneau. Le
loup devint un familier de tous les habitants, il allait et venait chez eux
sans problème. Il vécut parmi eux pendant deux ans et mourut de vieillesse… et
il fut pleuré de tous.
La peur engendre la violence, la méfiance, le repli sur
soi, toutes sortes d’attitudes par lesquelles on croit se tirer d’affaire et se mettre à l’abri. Pour François, il n’y a qu’une attitude possible : le dialogue
qui apportera la paix. La paix est un chemin parfois long et difficile, mais
elle amène petit à petit à la collaboration si chacun se sent estimé, valorisé,
respecté dans sa dignité. François ne capitule devant aucune difficulté, il
démontre là que le pire ennemi peut devenir un frère : il faut simplement y
croire ! L’humilité de chacun fera le reste. Lisons attentivement ces paroles
d’Eloi Leclerc, grand spécialiste contemporain de la pensée franciscaine : «
Nous connaissons tous ce loup cruel. Il est de tous les temps, il ne court pas
seulement les bois. Il se cache aussi dans le fond des cœurs, il est en chacun
de nous. François fut en son temps un semeur de paix, un créateur de
fraternité. Il était devenu lui-même un être pacifié, un
homme fraternel. Qui, aujourd’hui nous délivrera du loup cruel ? Qui saura
l’apprivoiser ? Celui-là sera l’homme fraternel, l’homme des siècles à venir !
Comme François, il marchera au milieu de frères. Et à ses côtés, trottera,
libre et joyeux, le grand loup apprivoisé".
Extrait de Saint-François d'Assise, le Troubadour de Dieu (Texte de Aline Racheboeuf)
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