COMMENT,
EN 1219, FRANÇOIS COMPRIT ET ACCUEILLIT LA DIFFERENCE (Suite)
Enfin, c’est le grand jour ! François et Frère
Illuminé vont pouvoir aller jusqu’au camp Sarrazin ! Ils y sont d’abord reçus
sans douceur, saisis, ligotés, insultés. Puis, après bien des palabres (en
français), ils se retrouvent devant Malik Al-Kamil. Alors, le Sultan leur
demande qui les envoie et pourquoi. Et François se met à parler, avec tous ces
mots qui lui sont habituels, simples, tendres, et tellement enthousiastes.
L’autre l’écoute, visiblement impressionné et finit par lui dire : « Je me
convertirais bien à votre religion qui est belle, mais je ne le peux pas car
nous serions massacrés tous les deux. »
Les deux hommes se séparent au bout de
quelques jours dans une admiration réciproque. François s’est ouvert à une foi
différente, il a découvert des hommes croyants, des croyants qui prient avec
conviction. Avec sa sensibilité très profonde, il a découvert aussi que la
différence est un enrichissement, et non un amoindrissement. Et que c’est le
partage qui fait grandir, quand chacun donne à l’autre un peu de lui-même.
Mais, malgré tout, il est déçu : sa mission de paix a rencontré des limites.
Pouvait-il en être autrement ?... Quelques jours après, les Croisés prennent
Damiette et ce sont des massacres épouvantables. La douleur de François est
alors immense, lui qui avait tant rêvé de relier ces deux blocs en guerre par
un pont de fraternité. A son retour en Italie, il dira : « J’étais là-bas au
moment des combats… Ah ! Mon Dieu, quel abîme sépare les hommes ! » Armé du
laissez-passer que lui a offert le Sultan, François est autorisé à se rendre
dans les Lieux Saints : Bethléem, Nazareth, Jérusalem. Il y passera quelques
mois. C’est en mémoire de ce temps que les Franciscains sont devenus les
gardiens de tous ces lieux. Revenu au camp des Croisés, François s’adresse à
tous : il leur demande d’être « simples comme des colombes, de ne faire ni
procès, ni disputes », mais simplement d’affirmer qu’ils sont chrétiens. Il
leur martèle que l’on peut cohabiter sans se massacrer, que ce qui peut les
unir est bien plus fort que ce qui les sépare. Qu’il faut avoir le respect de
l’autre,… et surtout, croire dans le dialogue. Mais un dialogue sincère, qui
accepte les différences… et même les contradictions… et même les décisions prises
par « l’autre », pourvu qu’il soit en accord avec sa conscience. Sortir des
jugements et des a priori, être sincère. Ce qui lui fait dire, au retour, à
lui, petit et humble : « Certains frères sont loin de moi parce que je suis
sans doute encore trop loin d’eux »
Extrait de Saint-François d'Assise, le Troubadour de Dieu (Texte de Aline Racheboeuf)
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