COMMENT FRANÇOIS, DES 1209, VOULUT RÉPANDRE LA
FRATERNITÉ (Suite)
Pour entraîner derrière lui autant de personnes de toutes
origines, il fallait que François soit un vrai meneur, qu’il ait gardé au cœur
l’entrain et la joie du temps où il était le roi de toutes les fêtes d’Assise. Mais
le temps des fêtes était révolu, et la cause de cette joie d’aujourd’hui avait
pris racine dans les 3 phrases entendues un matin à la Messe : il avait tout
laissé, il était devenu pauvre, il était libre ! Tout cela pour aller avec des
frères porter jusqu’aux extrémités du monde un message universel de paix et
d’amour ! Et rien ne pourrait les arrêter !
En cette année 1209, ils vont à
Rome présenter au Pape la Règle de son Ordre des Frères mineurs (ainsi appelés
pour ne pas être tentés de devenirs grands !). Et, après quelque hésitation,
Innocent III les accueille et approuve ce texte écrit par ce petit bonhomme
entouré de « frères » qui ne paient vraiment pas de mine dans leurs vêtements
de misère… et qui sentent terriblement mauvais. Un jour, tout un village vient
le trouver : ils sont si enthousiastes qu’ils veulent tous le suivre ! Tous
sans exception, même les enfants ! Alors François leur explique qu’on peut
vivre de l’Evangile n’importe où, là où la vie nous a semés, quel que soit
notre métier, quel que soit notre quotidien. Cela lui donne alors une idée : il
va fonder un Ordre qui s’appellera Ordre franciscain séculier. Mais ce que
disait François touchait aussi le cœur des femmes. Claire, une jeune noble
d’Assise, quitte ainsi famille et richesses, et, avec d’autres jeunes filles,
fonde le monastère de St Damien. Tout comme la communauté des frères, celle des
sœurs se multiplie très vite, et devient l’Ordre des Pauvres Dames, (plus tard,
les Clarisses).
Et puis, il y aura aussi Frère Jacqueline ! C’était une noble
dame romaine, Jacqueline Frangipani de Settesoli, et si nous insistons sur son
nom, c’est qu’elle fabriquait pour les frères le seul gâteau qu’ils
s’autorisaient à manger, à la pâte d’amandes… qui est passée à la postérité
sous le nom de frangipane, et qui a été rapportée de Rome par les Franciscains
! Les frères qui venaient rejoindre François avaient des origines, des
personnalités et des talents bien différents. Il lui fallut donc de la patience
pour que chacun trouve sa place sans gêner l’autre ou être gêné par lui. La
tâche s’avérait plus difficile à mesure que le nombre augmentait. Mais il
voulait des frères humbles, parfaitement humbles.
Alors un jour, il leur dit,
avec humour, comment il voyait le frère parfait : il aurait : - La foi de Frère
Bernard, - La simplicité de frère Léon, - La courtoisie de frère Ange, -
L’intelligence de frère Massée, - L’esprit élevé de frère Gilles, - La prière
de frère Ruffin, - La patience de frère Genièvre, - La vigueur de frère Jean, -
La charité de frère Roger, - Les scrupules de frère Lucide.
Tous comprirent
qu’aucun d’eux n’était le frère idéal, mais que c’était tous ensemble, et avec
leurs différences, qu’ils approcheraient de la perfection ! Comme il avait
toujours le cœur en fête, François n’aimait à voir autour de lui que des
visages souriants. Il dit un jour à un frère : « Pourquoi cette triste mine ?
Si tu as commis un péché, cela ne regarde que Dieu et toi. Va Le prier ! Mais
devant moi et devant tes frères, aie toujours une mine joyeuse ; car il ne
convient pas, lorsqu’on est au service de Dieu, de montrer un air maussade et
renfrogné. » C’est là une clause qu’il inscrira même dans la 1ère Règle des
Frères mineurs ! Il leur disait aussi : « Sois toujours en train de faire
quelque chose de bon pour que le diable te trouve occupé » !
Tout ce que
François disait à ses frères, il le leur montrait en actes, d’une manière douce
et affectueuse, avec un humour qui invitait à relativiser les choses et à ne
pas se prendre trop au sérieux. « Il régnait une gaieté et une joie
spirituelles débordantes ; ils en oubliaient toutes leurs épreuves et la
cruelle indigence qui les tenaillait. » Pour tous et partout, ils étaient
joyeux et aimables. Et pour eux, François écrivait et composait des chants et
des prières,(mais malheureusement, il ne reste que quelques prières). Il a
toujours été poète et musicien, il sait traduire par des phrases pleines de
beauté les textes les moins digestes du Bréviaire (le livre de prières de tout
religieux). Car l’autre versant de leur vie, c’est la prière et le silence,
nécessaires à leur ressourcement. C’est l’autre versant de leur vocation : loin
de toute agitation, on refait ses forces dans le contact avec les Ecritures, on
se désencombre le cœur et l’esprit, on relit dans le calme les heures que l’on
vient de vivre. Dans le silence, on comprend mieux les souffrances, les appels.
Prière, chant, louange, action de grâce sont une nourriture indispensable
pour aller ensuite écouter la vie des hommes avec patience et amour. La fraternité
est quelque chose de gratuit, mais il y a parfois des retours auxquels on ne
s’attendait pas, des « imprévus de Dieu » qu’il faut savoir gérer. La
fraternité selon François, c’est d’être présent à tous sans cesser d’être à
l’écoute de chacun, c’est être de plus en plus humain, c’est tout simplement «
AIMER LA VIE »
Extrait de Saint-François d'Assise, le Troubadour de Dieu (Texte de Aline Racheboeuf)
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