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Un rameau de la nuit – Extrait
Au fond, voilà pourquoi j'ai voyagé à pied par simple amour du vent et de la terre.
Pour être seul aussi c'est si bon d'être seul ! tout seul, sur un plateau, dans une gorge,
au bord d'une rivière; et par horreur du véhicule (de presque tous les véhicules);
enfin pour aller justement où personne ne va jamais et qui est quelquefois lieu caché de
merveilles. Les plus humbles me sont les plus chères.
J'y tiens (et cela depuis mon enfance) par un goût que j'ai, inné, obsédant,
de la vie secrète des hommes et des choses.
Vie modeste, le plus souvent, monotone et, semble-t-il, vide un village perdu derrière
une colline, deux cents âmes, cinquante lampes, les travaux saisonniers, les naissances,
les morts, et rien de plus.
Pourtant quelque chose de plus, peut-être, et qui naît de ce rien, l'attente.
Attente vague, soit, et inutile. Attente tout de même, nostalgie qui flotte partout,
qui imprègne les murs, qui rôde dans les rues, qui soutient le silence,
alourdit les sommeils, noue et dénoue un rêve et, au besoin, une pensée,
ouvre la route (cette route toujours déserte) à un désir, crée, peut-être, le voyageur
et, peut-être, l'attire sourdement.
Je n'en puis douter, moi, qui de cet attrait, maintes fois, ai subi l'attraction discrète
à l'approche d'un de ces lieux où je n'avais pas le dessein de faire étape et que,
bien souvent, un coteau dérobait encore à ma vue.
Mais cette puissance d'appel était si prenante et si douce que je me détournais
du chemin prévu, chaque fois, pour aller voir; et, chaque fois, mon cœur battait.
Henri Bosco
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