Le Chemin de Saint-Michel (Du Mont Saint-Michel au Monte Sant'Angelo) Michel Maubert
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I - Prologue : Paris -> Mont Saint-Michel
Du 3 au 17 Mai 2009
A Alençon, Ian découvre émerveillé le “Pot au feu” à la française, servi froid avec une vinaigrette… Celui de ma mère était bien meilleur… ! Le matin, dans la forêt embrumée, on a l’impression de flotter… La Perrière, seule auberge à “dix lieues à la ronde” (j’exagère à peine) c’est jour de fermeture…! L’aubergiste nous attend (Merci St Jacques et St Michel nos saints patrons !). Il nous a préparé une chambre de roi et un dîner pantagruélique et délicieux, … difficile à digérer ! Fin cuisinier, il est aussi un peu brocanteur. Ian, pourtant grand randonneur, a le dos brulé, par le frottement du sac : “Cicatryl”, remède miracle a un effet immédiat. Indispensable et facile à emporter (aucunes royalties pour moi …!) J’en ferais un usage très efficace, en Italie…
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Le Perche, collines humides, très beaux “percherons” au pâturage, grosses fermes fortifiées, châteaux rustiques avec tourelles d’angle, églises de campagne sans prétention, mais ouvertes. Deux choses, sans doute inconnues au Royaume Uni, étonnent beaucoup “my british friend”, dans chaque village : le monument aux morts. Avant Orléans, nous en voyons même un, commémorant “l’armée de la Loire”, guerre de 1870 !
Autre source d’étonnement : les médaillons ovales et dorés, enseignes de tabellions (notaires et avoués), s’il les photographie tous comme ces premiers jours, on n’en a pas fini...
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Dans la Beauce : les champs sont nus … J’ose réciter : « morne plaine … »[2] Seules les éoliennes animent la « platitude » !!!
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Châteaudun, malgré un nouveau jour de fermeture, nous sommes attendus à l’hôtel St Louis et accueillis par le patron, un Tunisien. [Il y a longtemps… à l’école, on apprenait que St Louis était mort de la peste devant Tunis … !]. Hôtel nickel et confortable. L’hôtelier tient à nous présenter sa famille : Femme, mère, belle-mère, en djellaba, et jeunes enfants … Puis il m’explique comment utiliser le percolateur, pour qu’en son absence, nous puissions déjeuner le lendemain matin, enfin il nous laisse la clé de l’hôtel ! Un des plus aimables hôteliers du trajet ! Et encore une bonne rigolade pour Ian, quand au matin, il me voit manipuler le “perco.” Une photo immortalise la scène.
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Route rectiligne, pas de chemin : les gros engins agricoles ne les respecteraient pas, mais ce dimanche matin, la circulation est inexistante. Une petite “Clio” blanche nous croise et environ ½ heure plus tard, nous double et s’arrête à quelques mètres de nous. Vitre baissée, une main nous fait signe à la fenêtre. A l’aller, la conductrice, nous a vus marcher sur le bord de la route, sac au dos et pleins d’entrain. Elle en a été tellement émue, qu’elle nous a acheté des croissants en prenant son pain… Elle reste assise dans sa voiture mais veut tout savoir de nos projets. Quand enfin je remarque le fauteuil d’handicapé plié à l’arrière… C’est moi qui suis très ému !… Souvenir poignant !
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Quelques bouquets d’arbres, abris pour le gibier, meublent ce paysage monotone. En ce dimanche ensoleillé les chasseurs arpentent le terrain, fusil sous le bras. J’en profite pour parler un peu avec eux : encore une photo ! Ian, est tout heureux d’enregistrer des scènes conformes à l’image (assez condescendante) du Français vu par les Anglais : béret sur la tête et baguettes de pain sous le bras…
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« Au relais St Jacques », seul hébergement sur cette route, les patrons nous attendent avant de partir à Orléans, assister au défilé de vieux bateaux de rivière (“Les voiles de la liberté” à l’échelle de la Loire …) L’hôtel est à nous pour la soirée, avec un superbe plateau repas et une très bonne bouteille … Dîner sur la terrasse embrasée par le soleil couchant : Il y a de bons moments sur les chemins …!
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Nous rejoignons la Loire : ciel et nuages se reflètent dans le fleuve paresseux, qui joue avec les iles. Nous suivrons ses rives jusqu’à Nevers, l’abbaye de Sept Fonts et Digoin (environ : 300km)
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Jour de repos à Orléans, pour la St Michel. Visite : Ian ému (aux larmes), découvre dans la cathédrale (transept gauche) la chapelle dédiée à Jeanne d’Arc tapissée de plaques portant les noms des très nombreux soldats Anglais, tués en France, au cours des 2 guerres 14/18 & 39/45 ! Accueillis à St Jean le Blanc (faubourg d’Orléans) par les “Sœurs de St Jean” : grande gentillesse et discrétion … Dîner, en silence, rompu de fou-rires et coups d’œil taquins… La supérieure est absente : il faut en profiter … ! Nous quittons Orléans, quelques barques, rescapées de la fête, ornent encore la Loire.
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La “levée de terre” le long de l’eau offre un parcours très agréable, le chemin n’y est pas toujours tracé, et par moment c’est un peu difficile, mais jamais encombré … Les rencontres y sont très rares et les possibilités de ravitaillements aussi !… Quelques péniches, des bateaux de tourisme (nationalités diverses) et beaucoup d’oiseaux : Beaux hérons gris à l’envol élégant.
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Germiny des Près, église carolingienne qui m’évoque l’église de Charlemagne à Aix-la-Chapelle : Banco, le rapprochement est confirmé par la notice de l’O.T.
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St Benoit-sur-Loire, pas de mot pour dire la beauté de cette abbatiale … Après un bon accueil, le frère hôtelier gronde car j’ose émettre que Ian, méthodiste, n’est peut-être pas obligé d’assister aux vêpres : Ian décide de venir sans faire d’histoire ! Le même frère nous invite avec emphase : nous dînerons avec le Père abbé ! Impressionné, je réfléchis à ce que je vais bien pouvoir lui dire… Le réfectoire est immense et le Père abbé est à une extrémité, avec le prieur et quelques autres, à une table dans la largeur… Puis tous les moines le long des deux cotés. Nous sommes à l’extrémité d’un des côtés, à une petite table, à part ! Silence : “lectio divina”, barbante ! Un frère convers passe les plats. Il a une bonne bouille : grimace et sourire (de connivence ?) en coin !
Le lendemain matin, la clôture juste franchie, je ne trouve pas mes lunettes ! Impossible de poursuivre sans elles. Le portier refuse, de façon catégorique et agressive, de me laisser retourner les chercher. Il y va lui-même et ne les trouve pas ! Furieux, je force le passage : Les lunettes sont là, par terre, à l’intérieur, à moins de 2m de la porte… Dieu merci, il n’a pas marché dessus ! A l’extérieur, un jeune moine, sympa me donne des indications claires pour la suite du chemin. Ian photographie la scène ... J’ai toujours reçu un très bon accueil dans toutes les autres communautés de moines et de nones …
Qu’ai-je donc pour que les Bénédictins, à 4 reprises, et sur des chemins différents, me fassent regretter d’avoir eu recours à eux ?
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“La poule au pot”… “labourages et pâturages …” autant de souvenirs qui ne disent rien à Ian, ni sans doute à mes petits-enfants... Le parc du château du Seigneur de Sully, ministre du bon roi Henri (IV), nous abrite pour le casse-croûte que nous dévorons face aux tours, mâchicoulis, douves etc. …
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A l’étape, Ian part à la découverte et déniche le seul restaurant ouvert, qui, par chance, doit être le meilleur rapport qualité/prix du coin (selon lui). Une anglaise ( ?) assez âgée tient les fourneaux : le résultat est plus qu’excellent ! Sur la rive opposée, Giens, au matin, est emmitouflé dans une épaisse brume rouge sang. Très belle lumière sur le fleuve. La brume monte de l’eau et on avance sans jambe !
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Hors du chemin de halage, un peu monotone, les GR font découvrir de beaux paysages, mais rallongent beaucoup l’étape. Pause café (ou coca.) le patron du troquet aimerait bien nous garder à déjeuner : « Un sac vide n’a jamais tenu debout » allusion pertinente, qui ne nous retient pourtant pas… Rien ne vaut nos sandwichs dégustés au bord de l’eau … Ce soir l’hôtelier, broie du noir (Il a fait du théâtre avec Belmondo…puis il a hérité cet hôtel à la campagne et regrette Paris !) Pleurant sur ses malheurs, il nous offre un café…
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Et, pendant que je visite, seul, Beaulieu/Loire, Ian tombe dans un guet-apens, mené par le patron et 4 à 5 gars du pays qui n’ont pas peur du Ricard !… Il en sort un peu flottant … Sacré Ricard ! Le Patron lui, en est à plus de 12, et malgré cela il nous prépare un excellent dîner, et boit encore, pour accompagner ses copains/clients … ! Au matin, la salle est un vrai champ de bataille … L’hôtelier ne se levant pas : il faut le tirer du lit (il a très mal à la tête !) pour avoir notre petit déjeuner, le casse-croûte du déjeuner et payer … Des compliments, mérités, sur sa cuisine ramènent un pauvre sourire !
Impression d’être dans un parc : canal bordé de grands arbres, (beaucoup de noyers), villages proprets et fleuris.
A Belleville : chemins d’eau avec une grande variété de plantes aquatiques (genre Nénuphars ou Iris). La Centrale électrique voisine doit payer une bonne taxe professionnelle ! Le résultat est, en tous cas, remarquable. Pour certains hôtes, la “soirée étape” est (restons polis) un attrape-nigaud : repas de qualité médiocre et quantité limite pour des estomacs affamés. Nous nous consolons en pensant que la nuit n’en sera que meilleure !
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Au Pays de Sancerre, quittant un moment le canal, nous traversons les vignobles, très bien soignés, qui ont revêtu leurs couleurs d’automne. Les noms des bourgs traversés chatouillent agréablement le gosier… Sancerre, Pouilly … A Mesves sur Loire, nous cassons la croûte à la terrasse d’un bistrot, un marché festif, s’organise autour de nous : Fabrication du boudin chaud, légumes inconnus des citadins, petite foule joyeuse et aimable : nous sommes en pays de vin…(et du bon !) Nous ne pouvons pas (hélas) nous laisser tenter par les nombreuses offres qui nous sont faites, mais répondons avec plaisir aux questions, au sujet de notre marche. On doit nous considérer comme un rien cinglés.
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Au soleil couchant, des pêcheurs sur la Loire, de l’eau à mi-cuisse, dans la lumière dorée.
Les tours jumelles de La Charité-sur-Loire nous font signe. C’est toujours, avec la même émotion que je retrouve l’abbatiale dont le chœur et le chevet des XIe et XIIe siècles sont parmi ce qu’il y a de plus beau dans l’art de Cluny.
Etape majeure sur le chemin des pèlerins de Vézelay à Compostelle. Gîte très agréable. Encore une fois, en ville, tout est fermé, sauf un café, en face, qui ne fait pas à dîner. Ce soir il faudra se contenter d’un Kebab … Je regrette le boudin de Mesves !
En suivant la Loire, tous les arbres (de beaux chênes) sur la levée, ont été abattus. Le cantonnier a qui je demande les raisons de cette hécatombe : « A cause de l’administration ! », je ne suis pas mieux renseigné … Les entrées de ville sont souvent pénibles, avec les zones industrielles ou commerciales.
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A Nevers, j’ai l’impression que ça ne se terminera jamais ! Mais nous arrivons enfin à la gare, où nous prendrons le train pour Paris demain matin. Le soir, c’est mieux que le kebab : très bon repas, dans un endroit chic, repéré par Ian (décidément ces Anglais !!!) Nous admirons en sortant les monuments de la ville illuminés.
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