7ème étape  - Mardi 24 Août 2010 :
  Chasseradès > Le Bleymard  (1069 m) - 17 km

 


... Au sommet du Goulet il n'y avait plus de route tracée - uniquement des bornes dressées de place en place,

afin de guider les bouviers. Le sol moussu était, sous le pied, élastique et odorant. Je n'avais pour m'accompagner
que quelques alouettes et je ne rencontrai qu'un chariot à boeufs entre Lestampe et Bleymard. Devant moi s'ouvrit
une vallée peu profonde et, à l'arrière, la chaîne des monts de la Lozère, partiellement boisés, aux flancs assez

accidentés dans l'ensemble, toutefois d'une configuration sèche et triste. A peine apparence de culture.
Pourtant, aux environs de Bleymard, la grand'route de Villefort à Mende traversait une série de prairies 
plantées de peupliers élancés et de partout, toutes sonores,
les clochettes des ouailles et des troupeaux...

...La nuit sous un toit est un temps mort et monotone, mais, à ciel ouvert, elle passe légère,
avec ses étoiles, sa rosée et ses effluves de parfum...

Mon esprit fut saisi d'une jubilation extraordinaire devant cette venue
progressive du jour et sa beauté. J'entendais avec délices le ruisseau...


Rien d'autre que la lumière n'avait changé, et c'est elle qui répandait un esprit de paix inaltérable
sur toutes choses et vous poussait à retenir votre souffle et à adorer...


...Je me sentais redevable envers quelqu'un pour cette généreuse réception. Aussi, il me plut, en riant à demi,
de laisser des pièces de monnaie sur le gazon en passant, suffisamment pour payer ma nuit...

(Extrait de "Voyages avec un âne dans les Cévennes"  - Stevenson)
 



Après avoir descendu dans le vallon, je passe sous le viaduc de Mirandol



La montée vers le col et la forêt domaniale du Goulet offre encore de beaux paysages
(Altitude du col : 1413 mètres)


Volà un Chemin comme on aime...


La forêt de sapins à perte de vue

 

Et encore de beau hêtres qui ajoutent un peu de magie à cet itinéraire...

  
Je me régale de framboises et de myrtilles que l'on peut ramasser       J'ai fait une bonne pause au bord de ce petit ruisseau qui n'est  

                                 de part et d'autre du sentier                                 autre que le Lot juste quelques dizaines de mètres après sa source


Un Tipi Indien à la sortie du hameau des Alpiers


Le regard sombre ou interrogateur d'un taureau


Arrivée au
Bleymard (1069 m)

  
Les plateaux de fromage, le soir au dîner !!

 

Hébergement à "La Combette" (Relais Stevenson)
Chambre et table d'hôtes
Bon accueil, environnement de classe et dîner qui réserve des surprises
4 Coquilles

 


Extrait du Topo de Jacques Castonguay, mon ami québecois qui a fait ce Chemin en Mai 2007

 Chasseradès > Le Bleymard

Un ou deux kilomètres plus loin, je traverse le petit village de L’Estampe où Stevenson est encore passé car il a laissé un dessin
montrant un troupeau de moutons traversant les rues étroites du hameau. A ma grande surprise, un grand chien surgit devant moi.
C’est un terre-neuve noir, ressemblant à s’y méprendre à celui qu’avait mon père à la fin de sa vie. Doux et enjoué, il se frôle à moi, sollicitant de l’attention et des caresses. Je suis un peu troublé par ce visiteur et par les souvenirs de mon père qu’il suscite.
Je m’efforce de mon mieux de l’ignorer craignant qu’il s’accroche à mes pas. C’est ce qu’il fait malgré tout pour trois ou quatre

 
kilomètres, jusqu’à ce que j’arrive à l’orée de la forêt domaniale de Goulet.  Il disparaît alors aussi subitement qu’il est arrivé.
Troublant ! La forêt de Goulet est un vaste et magnifique boisé de résineux, des sapins, des pins et épicéas mais aussi de feuillus,
des hêtres essentiellement. Sa vocation est de fournir des fibres aux papeteries ainsi que du bois d’œuvre pour la construction.
La montée est longue et ardue mais je parviens finalement à un col à 1413 m. A la hauteur du hameau de Serreméjan en ruine,
distrait par je ne sais quelle rêverie, je manque bêtement une balise et marche dans la mauvaise direction, sur un sentier herbeux
pour environ quatre kilomètres. Je réalise enfin mon erreur et dois revenir sur mes pas. La journée est belle, le terrain est plat
et la marche agréable sous le couvert des arbres mais ce sont néanmoins de six à huit kilomètres qui s’ajoutent
à mon trajet prévu de 26 kilomètres... Un petit aléa du chemin!
 
De retour aux ruines, je franchis un ruisseau et monte jusqu’à une crête pour m’engager sur une piste, la Draille des Mulets. 
Suit alors sur des pentes couvertes de genêts jaunes à la senteur particulière, une longue descente facile jusqu’à la source du Lot.
Je parviens ensuite au hameau les Alpiers qui ne compte que quelques maisons de schiste dont certaines aux volets fermés,
sûrement des maisons secondaires. Je remarque une belle très vieille croix en pierre sur laquelle un sculpteur a gravé un Christ
aux mains ouvertes et accueillantes mais démesurées. Sûrement un message d’accueil. Deux kilomètres plus loin,
c’est Le Bleymard, ma destination du jour où je descends dans un ancien relais de diligence, l’Auberge La Remise.
Le gîte est bondé car Le Bleymard est au carrefour de divers chemins de randonnées. J’y retrouve les marcheurs écossais
et belges rencontrés les jours précédents. Nous prenons ensemble un excellent dîner, le meilleur du chemin à date
pendant que mes chaussettes sèchent à la fenêtre de ma chambre. Comme chaque soir, je m’endors en lisant.

 


 
 


Aux arbres


Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme!
Au gré des envieux, la foule loue et blâme ;
Vous me connaissez, vous! - vous m’avez vu souvent,
Seul dans vos profondeurs, regardant et rêvant.
Vous le savez, la pierre où court un scarabée,
Une humble goutte d’eau de fleur en fleur tombée,
Un nuage, un oiseau, m’occupent tout un jour.
La contemplation m’emplit le coeur d’amour.
Vous m’avez vu cent fois, dans la vallée obscure,
Avec ces mots que dit l’esprit à la nature,
Questionner tout bas vos rameaux palpitants,
Et du même regard poursuivre en même temps,
Pensif, le front baissé, l’oeil dans l’herbe profonde,
L’étude d’un atome et l’étude du monde.
Attentif à vos bruits qui parlent tous un peu,
Arbres, vous m’avez vu fuir l’homme et chercher Dieu!
Feuilles qui tressaillez à la pointe des branches,
Nids dont le vent au loin sème les plumes blanches,
Clairières, vallons verts, déserts sombres et doux,
Vous savez que je suis calme et pur comme vous.
Comme au ciel vos parfums, mon culte à Dieu s’élance,
Et je suis plein d’oubli comme vous de silence!
La haine sur mon nom répand en vain son fiel ;
Toujours, - je vous atteste, ô bois aimés du ciel! -
J’ai chassé loin de moi toute pensée amère,
Et mon coeur est encor tel que le fit ma mère!

Arbres de ces grands bois qui frissonnez toujours,
Je vous aime, et vous, lierre au seuil des autres sourds,
Ravins où l’on entend filtrer les sources vives,
Buissons que les oiseaux pillent, joyeux convives!
Quand je suis parmi vous, arbres de ces grands bois,
Dans tout ce qui m’entoure et me cache à la fois,
Dans votre solitude où je rentre en moi-même,
Je sens quelqu’un de grand qui m’écoute et qui m’aime!
Aussi, taillis sacrés où Dieu même apparaît,
Arbres religieux, chênes, mousses, forêt,
Forêt! c’est dans votre ombre et dans votre mystère,
C’est sous votre branchage auguste et solitaire,
Que je veux abriter mon sépulcre ignoré,
Et que je veux dormir quand je m’endormirai.

Victor Hugo


 

 

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