Mardi 27 Mai 2008  -  Céa > Laxe (35 km)



    La femme adultère


    Je la pris près de la rivière,
    Car je la croyais sans mari
    Tandis qu'elle était adultère.
    Ce fut la Saint-Jacques, la nuit,
    Par rendez-vous et compromis,
    Quand s'éteignirent les lumières
    Et s'allumèrent les cri-cri.
    Au coin des dernières enceintes,
    Je touchai ses seins endormis ;
    Sa poitrine pour moi s'ouvrit
    Comme des branches de jacinthes,
    Et dans mes oreilles l'empois
    De ses jupes amidonnées
    Crissait comme soie arrachée
    Par douze couteaux à la fois.
    Les cimes d'arbres sans lumière
    Grandissaient au bord des chemins
    Et tout un horizon de chiens
    Aboyait loin de la rivière.

    Quand nous avons franchi les ronces
    Les épines et les ajoncs,
    Sous elle son chignon s'enfonce
    Et fait un trou dans le limon.
    Quand ma cravate fût ôtée,
    Elle retira ses jupons,
    Puis (quand j'ôtai mon ceinturon)
    Quatre corsages d'affilée.
    Ni le nard ni les escargots
    N'eurent jamais la peau si fine,
    Ni, sous la lune, les cristaux
    N'ont de lueurs si cristallines.
    Ses cuisses s'enfuyaient sous moi
    Comme des truites effrayées,
    Une moitié toute embrasée,
    L'autre moitié pleine de froid.
    Cette nuit me vit galoper
    De ma plus belle chevauchée,
    Sur une pouliche nacrée,
    Sans brides et sans étriers.

    Je suis homme, et ne peux redire
    Les choses qu'elle me disait :
    Le clair entendement m'inspire
    De me montrer fort circonspect.
    Sale de baisers et de sable,
    Du bord de l'eau je la sortis ;
    Les iris balançaient leurs sabres
    Contre les brises de la nuit.

    Pour agir en pleine droiture
    Comme fait un loyal gitan,
    Je lui fis don, en la quittant,
    D'un beau grand panier à couture,
    Mais sans vouloir en être épris :
    Parce qu'elle était adultère
    Et se prétendait sans mari
    Quand nous allions vers la rivière.

     


    La casada infiel


    Y yo que me la lleve al río
    creyendo que era mozuela,
    pero tenía marido.
    Fue la noche de Santiago
    y casi por compromiso.
    Se apagaron los faroles
    y se encendieron los grillos.
    En las últimas esquinas
    toque sus pechos dormidos,
    y se me abrieron de pronto
    como ramos de jacintos.
    El almidón de su enagua
    me sonaba en el oído
    como una pieza de seda
    rasgada por diez cuchillos.
    Sin luz de plata en sus copas
    los árboles han crecido
    y un horizonte de perros
    ladra muy lejos del río.

    Pasadas las zarzamoras,
    los juncos y los espinos,
    bajo su mata de pelo
    hice un hoyo sobre el limo.
    Yo me quité la corbata.
    Ella se quito el vestido.
    Yo, el cinturón con revólver.
    Ella, sus cuatro corpiños.
    Ni nardos ni caracolas
    tienen el cutis tan fino,
    ni los cristales con luna
    relumbran con ese brillo.
    Sus muslos se me escapaban
    como peces sorprendidos,
    la mitad llenos de lumbre,
    la mitad llenos de frío.
    Aquella noche corrí
    el mejor de los caminos,
    montado en potra de nácar
    sin bridas y sin estribos.

    No quiero decir, por hombre,
    las cosas que ella me dijo.
    La luz del entendimiento
    me hace ser muy comedido.
    Sucia de besos y arena,
    yo me la llevé del río.
    Con el aire se batían
    las espadas de los lirios.
    Me porté como quien soy.
    Como un gitano legítimo.
    Le regalé un costurero
    grande, de raso pajizo,
    y no quise enamorarme
    porque teniendo marido
    me dijo que era mozuela
    cuando la llevaba al río.

     

Traduction Jean Prévost
Extrait du Romancero Gitan  -  Federico Garcia Lorca


                   
Pour se mettre en joie dès l'aube...


                   
Les Horreos balisent les chemins de Galice...et les rivières découpent la campagne de rubans argentés...


                  



De l'eau encore de l'eau !  Et ces jolis ponts qui ont accompagné les pèlerins pendant des siècles !


    A la sortie de Cea, je prends la route qui mène au Monastère d'Oseira. Après 2 km, je la quitte pour prendre
    la direction de Castro Dozon ce qui me fait gagner presque 6 km sur une étape  un peu longue. Je regrette
    un peu de ne pas passer à ce monastère fondé par les Bénédictins au 12ème siècle et restauré depuis peu
    par l'ordre des Cisterciens. Mais, étant donné l'état des chemins et les mauvaises conditions météo, je cherche
    à préserver l'essentiel, c'est à dire arriver à Santiago en bonne forme. Je cherche à limiter les efforts,
    car mon genou droit  commence à faiblir, la fatigue s'est accumulée ces derniers jours et demain il y aura
    encore une longue étape, alors il me faut ménager la "monture" !!

    Je marche le long de petites routes peu passantes, le temps est couvert et j'aurai juste à subir une bonne averse
    pendant 10 minutes. Je fais une pause à Castro Dozon, puis je reprends le bord de la N-525 sur laquelle
    il y a peu de trafic à cause de la proximité de l'autoroute. Je m'écarte du Camino et vais finalement me
    retrouver à Lalin au nord-est de l'itinéraire. Je traverse ensuite une zone industrielle qui n'en finit pas
    et j'arrive à l'albergue de Laxe vers 14h30. Dîner à nouveau avec le couple de bretons.

     

 


Hébergement à l'albergue de peregrinos de la Xunta de Galicia à Laxe
Bien équipée, avec chauffage, cuisine, salle à manger etc...
3 Euros la nuit

4 Coquilles
 



J'ai tant rêvé de toi

J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant
Et de baiser sur cette bouche la naissance
De la voix qui m'est chère ?

J'ai tant rêvé de toi que mes bras habitués
En étreignant ton ombre
A se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas
Au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l'apparence réelle de ce qui me hante
Et me gouverne depuis des jours et des années,
Je deviendrais une ombre sans doute.
O balances sentimentales.

J'ai tant rêvé de toi qu'il n'est plus temps
Sans doute que je m'éveille.
Je dors debout, le corps exposé
A toutes les apparences de la vie
Et de l'amour et toi, la seule
qui compte aujourd'hui pour moi,
Je pourrais moins toucher ton front
Et tes lèvres que les premières lèvres
et le premier front venu.

J'ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé,
Couché avec ton fantôme
Qu'il ne me reste plus peut-être,
Et pourtant, qu'à être fantôme
Parmi les fantômes et plus ombre
Cent fois que l'ombre qui se promène
Et se promènera allègrement
Sur le cadran solaire de ta vie.

Extrait de "Corps et biens"  -  Robert Desnos




  • Colonne dédiée au Chemin de Compostelle et aux pèlerins


    ......J'espère mourir vite dès que les chemins de la terre ne me seront plus ouverts,
    même si c'est en imagination seulement, même si je n'y vais pas tellement souvent.
    Mais c'est dans le souvenir des longues heures de marche que ces plaisirs confortables et prodigués,
    qui aujourd'hui coûtent si peu, plongent pour moi leur racine.
    On ne peut mettre dans la route toute l'attente qu'elle est capable de combler si l'on n'a pas
    au moins quelquefois tout accepté de ses sévérités et de ses servitudes primitives :
    la faim, la soif, la fatigue, l'ennui, l'inconfort, l'incertitude du gîte,
    l'averse désastreuse qui bat la chaussée noyée et installe sa cataracte pour tout l'après-midi,
    et cet étrange sentiment d'exil aussi, pareil à une basse monotone,
    qui naît du long chemin et ne déserte jamais ses pires exaltations :
    il en coûte aussi d'être un errant par le monde;
    les joies sont traversées vite, on ne participe pas,
    il y a un regard, quand on déboucle son sac dans le soir jaune, sur un balcon à glycines,
    au-dessus de la cour pleine de poules, de charrettes et de futailles comme un tableau hollandais,
    quand on s'attable sous la tonnelle d'une étape heureuse,
    qui interroge déjà avec détachement le ciel du lendemain, la file songeuse, au-delà des toits,
    des peupliers de la route par où les bêtes reviennent, et qui se lisse déjà pour la nuit.
    «Aller me suffit» a écrit René Char. Il faut savoir s'installer dans ce porte-à-faux sans sécurité ;
    demain sera autre, demain pèse déjà sur les avancées reposantes de la nuit.
    Il est un poème, de Rimbaud encore, poème d'errant,
    poème de l'auberge d'un soir qui rêve merveilleusement,
    dérisoirement de la félicité, de la capitulation bienheureuse de l'étape ultime.
    Il s'intitule
    Le Pauvre Songe,
    et ce poème de la sécurité dernière est encore comme une chanson de route....

    in « Lettrines 2 »  José Corti, 1974  -  Julien Gracq


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