Mercredi 7 Mai 2008  -  Oliva de Plasencia  >  Aldenueva del Camino  (27 km)



Aimer quelqu'un, c'est le lire.
C'est savoir lire toutes les phrases qui sont dans le coeur de l'autre,
et en lisant le délivrer.
C'est déplier son coeur comme un parchemin et le lire à haute voix,
comme si chacun était à lui-même un livre écrit dans une langue étrangère.
Il y a plus de texte écrit sur un visage que dans un volume de la Pléiade,
et quand je regarde un visage,
j'essaie de tout lire, même les notes en bas de page.
Je pénètre dans les visages comme on s'enfonce dans le brouillard,
jusqu'à ce que le paysage s'éclaire dans ses moindres détails.

Nos propres actes nous restent indéchiffrables.
C'est pourquoi les enfants aiment tant qu'on leur raconte sans fin tel épisode de leur enfance.
Lire ainsi l'autre, c'est favoriser sa respiration, c'est-à-dire le faire exister.
Peut-être que les fous sont des gens que personne n'a jamais lus,
rendus furieux de contenir des phrases qu'aucun regard n'a jamais parcourues.
Ils sont comme des livres fermés.

Une mère lit dans les yeux de son enfant avant même qu'il sache s'exprimer.
Il suffit d'avoir été regardé par un nouveau-né
pour savoir que le petit d'homme sait tout de suite lire.
Il est même comme les grands lecteurs : il dévore le visage de l'autre.

On lit en quelqu'un comme dans un livre,
et ce livre s'éclaire d'être lu et vient nous éclairer en retour,
comme ce que fait pour un lecteur une très belle page d'un livre rare.
Quand un livre n'est pas lu, c'est comme s'il n'avait jamais existé.

Ce qui peut se passer de plus terrible entre deux personnes qui s'aiment,
c'est que l'une des deux pense qu'elle a tout lu de l'autre et s'éloigne,
d'autant qu'en lisant on écrit, mais d'une manière très mystérieuse,
et que le coeur de l'autre est un livre qui s'écrit au fur et à mesure
et dont les phrases peuvent s'enrichir avec le temps.
Le coeur n'est achevé et fait que quand il est fracturé par la mort.
Jusqu'au dernier moment le contenu du livre peut être changé.
On n'a pas la pleine lecture de ce qu'on lit tant que l'autre est vivant.
Dieu serait le seul lecteur parfait, celui qui donne à cette lecture tout son sens.
Mais la plupart du temps, la lecture de l'autre reste très superficielle
et on ne se parle pas vraiment.

Peut-être que chacun de nous est comme une maison avec beaucoup de fenêtres.
On peut appeler de l'extérieur et une fenêtre ou deux vont s'éclairer mais pas toutes.
Et parfois exceptionnellement, on va frapper partout et ça va s'éclairer partout,
mais ça, c'est extrêmement rare.
Quand la vérité éclaire partout, c'est l'amour.


Christian Bobin




  • Je ne me lasse jamais de ces matins sur le Chemin... Moment de prière et de louange...


                       
    L'Arc de triomphe de Caparra, un des lieux les plus emblématiques de la Via de la Plata





                       
    Cette fois on peut traverser le rio à pied sec !                                                        L'albergue de Aldenueva del Camino




    Ce rétable se trouve dans l'une des 2 églises de ce village partagé en 2 quartiers


    Ce matin, sur le Camino, il faisait encore nuit, il y avait dans le ciel, juste au-dessus de moi,
    la Grande Ourse étincelante si lointaine et en même temps si proche qu'elle semblait toucher la terre,
    comme toi, ma fiancée au ciel de mon coeur, si lointaine par les kilomètres et si proche par ton Amour.
    Et puis les oiseaux ont entamé leur concert matinal, les coucous se sont mis de la partie,
    et ensuite les grenouilles avec leurs coassements rauques...
    Au lever du jour, les cigognes faisaient des vols magnifiques au-dessus des étangs, et dans les prairies immenses,
    les vaches meuglaient auquelles répondaient les mugissements de quelques taureaux en rut que l´on pouvait
    apercevoir au milieu des ombres fantastiques formées par les grands chênes qui se dressaient au loin...

    Puis je suis arrivé sous l'Arc de Triomphe de Caparra illuminé par le soleil levant.
    C'est un de ces moments magiques qui font qu'on ne se lasse jamais de revenir sur ces Chemins...
    Ensuite, traversée de fincas, d'immenses prairies et de petits rios.
    Les kilomètres défilent, les jambes et les pieds commencent à fatiguer, le sac devient de plus en plus lourd,
    et c'est un soulagement d'arriver à l'auberge pèlerins de Aldenueva où je suis bien accueilli par une señora
    qui appose sur ma crédencial un beau "Sello".
    Aldanueva del Camino se trouve au pied de la Sierra de Gredos où l'on va monter dans
    les jours qui viennent . On aperçoit d'ici les sommets enneigés.

     

     


    Hébergement au refuge pèlerin municipal. Il y a trois petites chambres. C'est rudimentaire mais assez agréable. Je paye, je crois 5 Euros ?

    2-3 Coquilles

     

     


    L'invitation au voyage

    Mon enfant, ma soeur,
    Songe à la douceur
    D'aller là-bas vivre ensemble !
    Aimer à loisir,
    Aimer et mourir
    Au pays qui te ressemble !
    Les soleils mouillés
    De ces ciels brouillés
    Pour mon esprit ont les charmes
    Si mystérieux
    De tes traîtres yeux,
    Brillant à travers leurs larmes.

    Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
    Luxe, calme et volupté.

    Des meubles luisants,
    Polis par les ans,
    Décoreraient notre chambre ;
    Les plus rares fleurs
    Mêlant leurs odeurs
    Aux vagues senteurs de l'ambre,
    Les riches plafonds,
    Les miroirs profonds,
    La splendeur orientale,
    Tout y parlerait
    À l'âme en secret
    Sa douce langue natale.

    Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
    Luxe, calme et volupté.

    Vois sur ces canaux
    Dormir ces vaisseaux
    Dont l'humeur est vagabonde ;
    C'est pour assouvir
    Ton moindre désir
    Qu'ils viennent du bout du monde.
    Les soleils couchants
    Revêtent les champs,
    Les canaux, la ville entière,
    D'hyacinthe et d'or ;
    Le monde s'endort
    Dans une chaude lumière.

    Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
    Luxe, calme et volupté.


    "Les fleurs du mal"  -  Charles Baudelaire




  • Ce site se trouve à environ 6km d'Oliva de Plasencia.
    Les restes de l'arc de Cáparra faisaient partie de l'ancienne cité romaine de Cáparra. L'arc fut construit entre le Ier et le IIe siècle.


     

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