Dimanche 19 Août 2012 : Gargilesse > Crozant - 21 km

 


    Christian Bobin (...ce qu'est la beauté)

    À l'enfant qui me deman­derait ce que c'est que la beauté - et ce ne pourrait être qu'un enfant,
    car cet âge seul a le désir de l'éclair et l'inquiétude de l'essentiel - je répon­drais ceci :
    Est beau tout ce qui s'éloigne de nous, après nous avoir frôlés.
    Est beau le déséquilibre profond - le manque d'aplomb et de voix -
    que cause en nous ce léger heurt d'une aile blanche.
    La beauté est l'ensemble de ces choses qui nous traversent et nous ignorent,
    aggravant soudain la légè­reté de vivre. Je lui montrerais le ciel où les anges,
    en s'essuyant les mains dans un nuage, donnent une peinture de Turner,
    et je prendrais pour lui une poignée de cette terre, sur laquelle nous allons.
    Je lui dirais qu'un livre c'est comme une chanson, que ce n'est rien,
    que c'est pour dire tout ce qu'on ne sait pas dire, et je couperais pour lui une orange.
    La promenade se poursui­vrait loin dans le soir. Dans le silence, nous découvririons enfin,
    lui et moi, la réponse à sa question.
    Dans l'immen­sité lumineuse d'un silence que les mots effleurent sans le troubler.

    "Le huitième jour de la semaine"

     



Le lever du jour entre Gargilesse et Cuzion


Je retrouve avec bonheur les bords de la
Creuse...


...qui va m'accompagner jusqu'au Pont des Piles


Un peu avant
Eguzon, Denis m'a rejoint

      
Dans l'église d'Eguzon, vitrail et statue de
Saint-Roch


Quelques beaux passages en sous-bois

     
Je m'arrête un moment pour parler avec cette vieille paysanne, toute droite sortie de mes souvenirs d'enfant...


Les ruines du
Château de Crozant


Je descends à l'Hôtel du Lac où je vais dormir


L'Église Saint-Étienne à Crozant


La Creuse s'étend majestueusement devant l'Hôtel

 


    Encore une étape qui nous fait cheminer au bord de la Creuse.
    Après le Pont des Piles, on s'en éloigne un peu et elle va former
    un peu plus loin le
    Lac de Chambon. On suit alors la D45 jusqu'à Eguzon
    où l'on peut voir dans l'église un vitrail et une statue de 
    Saint-Roch.
    Ensuite c'est une succession de chemins avec de petits dénivelés,
    soit à travers bois, soit au milieu des champs, avec traversée de hameaux.
    Après le pont sur la Sédelle, on termine l'étape par une forte montée avec
    en point de mire les ruines de la forteresse qui marque l'entrée dans
    Crozant.
     On a quitté le département de l'
    Indre pour entrer dans la Creuse.
     

 


    Après une nuit en pointillé où j'ai passé plus de temps à contempler la voûte étoilée,
    qu'à dormir, je quitte le camping endormi vers 6h. Je remonte vers Gargilesse pour
    retrouver le Chemin. L'itinéraire sur les côteaux qui bordent la Creuse est agréable.
    Denis me rejoint et nous nous régalons des mirabelles cueillies sur les arbres qui
    bordent le Chemin. Nous faisons un arrêt au gîte "Le Moulin de Châteaubrun",
    situé juste au bord de la Creuse et où séjourne une colonie de hollandais
    dans une ambiance Zen. On quitte les bords de la Creuse pour rejoindre Eguzon
    où nous nous arrêtons au bar. Je laisse Denis devant sa pinte de bière, je passe à l'église
    prendre en photo la statue et le vitrail de Saint Roch et je reprends seul le Chemin.
    Le parcours est assez pittoresque avec des chemins tantôt en sous-bois, tantôt
    campagnards avec la traversée de petits hameaux écrasés par la chaleur qui commence
    à se faire sentir. Je m'arrête pour parler à une paysanne qui garde 2 belles chèvres.
    Un peu plus loin, je suis rejoint par le couple de Sarreguemines et nous terminons
    ensemble l'étape. Je les laisse à l'entrée de Crozant pour descendre à l'Hôtel du Lac
    situé au bord de la Creuse à 1,5 km du village. Après un bon temps de repos, je remonte
    à Crozant et je retrouve dans un bar Denis qui joue de la guitare avec un compère
    rencontré dans le village. Tout son répertoire de Folk Song y passe, et je participe
    à ma manière en disant le poème de Gaston Miron : "La marche à l'amour".
    Retour à l'hôtel et dîner en compagnie du patron hollandais avec lequel j'ai un bon échange.
     


 

Hôtel-Restaurant du Lac au pont de Crozant (Au bord de la Creuse)
Demi-Pension pour les pèlerins (60 euros)
3 coquilles
(A noter qu'à l'entrée du village, au niveau des ruines des la forteresse,
il y a un accueil pèlerin
qui dirige sur un gîte assez vaste avec une cuisine.
Peut-être ce gîte n'est pas ouvert pendant la période scolaire...) 

 


    Christian Bobin


     
    Aimer quelqu'un, c'est le lire.
    C'est savoir lire toutes les phrases qui sont dans le coeur de l'autre,
    et en lisant le délivrer.

    C'est déplier son coeur comme un parchemin et le lire à haute voix,
    comme si chacun était à lui-même un livre écrit dans une langue étrangère.
    Il y a plus de texte écrit sur un visage que dans un volume de la Pléiade,
    et quand je regarde un visage, j'essaie de tout lire, même les notes en bas de page.
    Je pénètre dans les visages comme on s'enfonce dans le brouillard,
    jusqu'à ce que le paysage s'éclaire dans ses moindres détails.

    Nos propres actes nous restent indéchiffrables. C'est pourquoi les enfants aiment tant
    qu'on leur raconte sans fin tel épisode de leur enfance.
    Lire ainsi l'autre, c'est favoriser sa respiration, c'est-à-dire le faire exister.
    Peut-être que les fous sont des gens que personne n'a jamais lus, rendus furieux de contenir
    des phrases qu'aucun regard n'a jamais parcourues. Ils sont comme des livres fermés.

    Une mère lit dans les yeux de son enfant avant même qu'il sache s'exprimer.
    Il suffit d'avoir été regardé par un nouveau-né pour savoir que le petit d'homme
    sait tout de suite lire. Il est même comme les grands lecteurs : il dévore le visage de l'autre.

    On lit en quelqu'un comme dans un livre, et ce livre s'éclaire d'être lu et vient nous éclairer
    en retour, comme ce que fait pour un lecteur une très belle page d'un livre rare.
    Quand un livre n'est pas lu, c'est comme s'il n'avait jamais existé.

    Ce qui peut se passer de plus terrible entre deux personnes qui s'aiment,
    c'est que l'une des deux pense qu'elle a tout lu de l'autre et s'éloigne,
    d'autant qu'en lisant on écrit, mais d'une manière très mystérieuse,
    et que le coeur de l'autre est un livre qui s'écrit au fur et à mesure
    et dont les phrases peuvent s'enrichir avec le temps.

    Le coeur n'est achevé et fait que quand il est fracturé par la mort.
    Jusqu'au dernier moment le contenu du livre peut être changé.
    On n'a pas la pleine lecture de ce qu'on lit tant que l'autre est vivant.
    Dieu serait le seul lecteur parfait, celui qui donne à cette lecture tout son sens.
    Mais la plupart du temps, la lecture de l'autre reste très superficielle
    et on ne se parle pas vraiment.

    Peut-être que chacun de nous est comme une maison avec beaucoup de fenêtres.
    On peut appeler de l'extérieur et une fenêtre ou deux vont s'éclairer mais pas toutes.
    Et parfois exceptionnellement, on va frapper partout et ça va s'éclairer partout,
    mais ça, c'est extrêmement rare.

    Quand la vérité éclaire partout, c'est l'amour.
     

 

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