Petites ou grosses, les blessures sont le pain quotidien des marcheurs. Eric Newby, dans son "Petit tour dans l'Hindou Kouch", découvre bientôt ses pieds en sang. C'est à la halte seulement qu'il s'en aperçoit après avoir marché trois heures sans rien sentir sous un soleil de plomb. Il ne comprend pas comment les choses en sont arrivées là. "Les chaussures ne me serraient pas, elles étaient même plutôt grandes. Le problème, en vérité, était qu'elles étaient un peu pointues - que ce fût parce que les chaussures pointues étaient alors à la mode en Italie ou bien pour faciliter l'escalade, le point restait obscur. Mais ce qui était certain, c'est que les chaussures pointues constituaient pour moi une souffrance atroce". Courageusement Newby repart, la poursuite de son livre d'ailleurs en dépend, sachant que ses pieds n'auront pas le temps de cicatriser avant la fin du voyage... ...Pour marcher en effet l'esprit ne suffit pas s'il n'est épaulé par de bonnes chaussures et une bonne digestion. Toepffer nous dit avec son habituel bon sens que "Pour le voyageur à pied la chaussure est tout, le chapeau, la blouse, la gloire, la vertu ne viennent qu'après". Victor Segalen fait à juste titre l'éloge des sandales comme meilleur remède préventif aux ennuis pédestres. "La Sandale est, pour la plante des pieds et tout le poids du corps, l'auxiliaire que le Bâton fait à la paume et au balancé des reins. C'est la seule chaussure de marcheur en terrain libre. C'est le résumé de la chaussure : l'interposé entre le sol de la terre et le corps pesant et vivant... Grâce à elle le pied ne souffre pas, et pourtant fait l'expertise délicate du terrain. Grâce à elle, à l'encontre de toute autre chaussure, le pied s'épand et s'étire, et divise bien ses orteils. Le gros travaille séparément, les autres s'écartent en éventail"...
Extrait de "Eloge de la Marche - David Le Breton
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