Vendredi 9 Septembre 2011 :   Mauléon-Soule > Saint-Just Ibarre -  24 km


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    Lettre de Arthur Rimbaud aux siens (Aden, 30 Avril 1891)              Aden, le 30 avril 1891.
     

       Mes chers amis
     
     J'ai bien reçu vos deux bas et votre lettre, et je les ai reçus dans de tristes circonstances. 
    Voyant toujours augmenter l'enflure de mon genou droit et la douleur dans l'articulation, 
    sans trouver aucun remède ni aucun avis, puisqu'au Harar nous sommes au milieu des nègres 
    et qu'il n'y a point là d'Européens, je me décidai à descendre. Il fallait abandonner les affaires : 
    ce qui n'était pas très facile, car j'avais de l'argent dispersé de tous les côtés; mais enfin je réussis 
    à liquider à peu près totalement. Depuis déjà une vingtaine de jours, j'étais couché au Harar 
    et dans l'impossibilité de faire un seul mouvement, souffrant des douleurs atroces et ne dormant jamais. 
    Je louai seize nègres porteurs, à raison de 15 thalaris l'un, du Harar à Zeilah; je fis fabriquer une civière
    recouverte d'une toile, et c'est là dessus que je viens de faire, en douze jours, les 300 kilomètres de désert 
    qui séparent les monts du Harar du port de Zeilah. Inutile de vous dire quelles horribles souffrances 
    j'ai subies en route. Je n'ai jamais pu faire un pas hors de ma civière; mon genou gonflait à vue d'oeil, 
    et la douleur augmentait continuellement.

     Arrivé ici, je suis entré à l'hôpital européen. Il y a une seule chambre pour les malades payants : 
    je l'occupe. Le docteur anglais, dès que je lui ai montré mon genou, a crié que c'est une synovite arrivée 
    à un point très dangereux, par suite du manque de soins et des fatigues. Il parlait tout de suite de couper 
    la jambe ; ensuite, il a décidé d'attendre quelques jours pour voir si le gonflement diminuerait un peu 
    après les soins médicaux. Il y a six jours de cela, mais aucune amélioration, sinon que, comme je suis au repos, 
    la douleur a beaucoup diminué. Vous savez que la synovite est une maladie des liquides de l'articulation 
    du genou, cela peut provenir d'hérédité, ou d'accidents, ou de bien des causes. Pour moi, cela a été 
    certainement causé par les fatigues des marches à pied et à cheval au Harar. Enfin, à l'état où je suis arrivé, 
    il ne faut pas espérer que je guérisse avant au moins trois mois, sous les circonstances les plus favorables. 
    Et je suis étendu, la jambe bandée, liée, reliée, enchaînée, de façon à ne pouvoir la mouvoir. 
    Je suis devenu un squelette : je fais peur. Mon dos est tout écorché du lit ; je ne dors pas une minute. 
    Et ici la chaleur est devenue très forte. La nourriture de l'hôpital, que je paie pourtant assez cher, 
    est très mauvaise. Je ne sais quoi faire. D'un autre côté, je n'ai pas encore terminé mes comptes 
    avec mon associé, Mr Tian. Cela ne finira pas avant la huitaine. Je sortirai de cette affaire avec 35000 francs
    environ. J'aurais eu plus ; mais, à cause de mon malheureux départ, je perds quelques milliers de francs. 
    J'ai envie de me faire porter à un vapeur, et de venir me traiter en France, le voyage me ferait encore 
    passer le temps. Et, en France, les soins médicaux et les remèdes sont bon marché, et l'air bon. 
    Il est donc fort probable que je vais venir. Les vapeurs pour la France à présent sont malheureusement 
    toujours combles, parce que tout le monde rentre des colonies à ce temps de l'année. Et je suis un pauvre 
    infirme qu'il faut transporter très doucement ! Enfin, je vais prendre mon parti dans la huitaine.


    Ne vous effrayez pas de tout cela, cependant. De meilleurs jours viendront. 
    Mais c'est une triste récompense de tant de travail, de privations et de peines ! 
    Hélas ! que notre vie est misérable !
     
     Je vous salue de coeur.
     
     Rimbaud
     
      P.-S. - Quant aux bas, ils sont inutiles. Je les renvendrai quelque part
     



Encore une belle aube pour commencer cette journée dans la joie !





La vallée est noyée dans la brume laissant émerger les collines et au loin la chaîne des Pyrénées.


Beau spécimen de bélier !



Le spectacle est à la fois grandiose et comme irréel...


J'arrive à Ordiarp où je m'arrête pour prendre un petit déjeuner dans un bar.
Il y a juste à la télévision l'ouverture de la coupe du monde de Rugby en Nouvelle-Zélande.
Je suis un peu re-plongé dans l'univers médiatique et sportif !!
Je vais ensuite visiter l'église Saint-Michel du 12ème siècle entourée de son cimetière,
avant de reprendre le chemin qui monte sur la colline...



Un peu après ce pont, j'arriverai à un croisement me donnant 2 possibilités :
    - Soit itinéraire par le col de Napale
- Soit itinéraire par le col d'Eoutz


     

 

J'ai choisi le Col d'Eoutz qui est l'itinéraire balisé GR78.
(Je ne suis pas sûr du nom exact, car je ne l'ai pas retrouvé sur Google-Maps).
La montée est superbe avec de belles vues sur la vallée
et sur la chaîne des Pyrénées. C'est un spectacle magnifique qui fait oublier les dénivelés...



 Le chemin monte en lacets et là-haut on peut apercevoir la Chapelle Saint-Antoine.


Dans ce magnifique environnement, je déclame "Le Bateau Ivre" de Rimbaud.
Je me rafraîchis à un abreuvoir dans lequel coule une source d'eau fraîche.



    Les soeurs de charité

    Le jeune homme dont l'oeil est brillant, la peau brune,
    Le beau corps de vingt ans qui devrait aller nu,
    Et qu'eût, le front cerclé de cuivre, sous la lune
    Adoré, dans la Perse, un Génie inconnu,

    Impétueux avec des douceurs virginales
    Et noires, fier de ses premiers entêtements,
    Pareil aux jeunes mers, pleurs de nuits estivales,
    Qui se retournent sur des lits de diamants ;

    Le jeune homme, devant les laideurs de ce monde,
    Tressaille dans son coeur largement irrité,
    Et plein de la blessure éternelle et profonde,
    Se prend à désirer sa soeur de charité.

    Mais, ô Femme, monceau d'entrailles, pitié douce,
    Tu n'es jamais la Soeur de charité, jamais,
    Ni regard noir, ni ventre où dort une ombre rousse,
    Ni doigts légers, ni seins splendidement formés.

    Aveugle irréveillée aux immenses prunelles,
    Tout notre embrassement n'est qu'une question :
    C'est toi qui pends à nous, porteuse de mamelles,
    Nous te berçons, charmante et grave Passion.

    Tes haines, tes torpeurs fixes, tes défaillances,
    Et les brutalités souffertes autrefois,
    Tu nous rends tout, ô Nuit pourtant sans malveillances,
    Comme un excès de sang épanché tous les mois.

    - Quand la femme, portée un instant, l'épouvante,
    Amour, appel de vie et chanson d'action,
    Viennent la Muse verte et la Justice ardente
    Le déchirer de leur auguste obsession.

    Ah ! sans cesse altéré des splendeurs et des calmes,
    Délaissé des deux Soeurs implacables, geignant
    Avec tendresse après la science aux bras almes,
    Il porte à la nature en fleur son front saignant.

    Mais la noire alchimie et les saintes études
    Répugnent au blessé, sombre savant d'orgueil ;
    Il sent marcher sur lui d'atroces solitudes.
    Alors, et toujours beau, sans dégoût du cercueil,

    Qu'il croie aux vastes fins, Rêves ou Promenades
    Immenses, à travers les nuits de Vérité,
    Et t'appelle en son âme et ses membres malades,
    Ô Mort mystérieuse, ô soeur de charité.


    Arthur Rimbaud  (Juin 1871)
     




Sans doute ayant perdu toute attention relative à l'itinéraire, je me retrouve sur un chemin
qui monte vers la chapelle Saint-Antoine, à l'opposé de ma direction.
Je traverse alors des prairies au milieu de troupeaux de vaches peu habituées
à voir passer un intrus au milieu de leurs territoires.





     
Je passe plusieurs barrières et finalement après quelques tours et détours,
je retrouve le GR qui descend alors très raide vers un ruisseau La Bidouze.
Comme il fait très chaud et que ces péripéties m'ont fait bien transpirer,
je me plonge avec délice dans l'eau claire de ce ruisseau...

Il reste alors 4 km avant d'arriver à
Saint-Just Ibarre.

 
L'église de Saint-Just Ibarre


La maison de Mme Berhouet où je vais loger en compagnie
des 2 pèlerines suisses et d'un pèlerin autrichien.





Les 2 pèlerines suisses donnent à boire à ce chien qui les a suivies depuis plusieurs kilomètres.
 
      
Et nous, avec Franz nous buvons quelques bonnes bières !...
 

 

Hébergement chez Mme Berhouet
Maison privée avec 3 chambres et une cuisine -  Tél. 05.59.37.80.09
Lave-linge à disposition
4 Coquilles

 


     
    Lettre à sa soeur Isabelle  (Marseille, 23 juin 1891)  Marseille, 23 juin 1891.

    À Isabelle
     
    Ma chère soeur,
      
    Tu ne m'as pas écrit; que s'est-il passé ? Ta lettre m'avait fait peur, j'aimerais avoir de tes nouvelles.
    Pourvu qu'il ne s'agisse pas de nouveaux ennuis, car, hélas, nous sommes trop éprouvés à la fois !
     
    Pour moi, je ne fais que pleurer jour et nuit, je suis un homme mort, je suis estropié pour toute ma vie.
    Dans la quinzaine, je serai guéri, je pense ; mais je ne pourrai marcher qu'avec des béquilles.
    Quant à une jambe artificielle, le médecin dit qu'il faudra attendre très longtemps, au moins six mois !
    Pendant ce temps que ferai-je, où resterai-je ? Si j'allais chez vous, le froid me chasserait dans trois
    mois, et même en moins de temps ; car, d'ici, je ne serai capable de me mouvoir que dans six semaines,
    le temps de m'exercer à béquiller ! Je ne serais donc chez vous que fin juillet.
    Et il me faudrait repartir fin septembre.
     
     Je ne sais pas du tout quoi faire. Tous ces soucis me rendent fou : je ne dors jamais une minute.
     
     Enfin, notre vie est une misère, une misère sans fin ! Pour quoi donc existons-nous ?
    Envoyez-moi de vos nouvelles.
     
    Mes meilleurs souhaits.


    Rimbaud


    Hôpital de la Conception, Marseille
     




 

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