Jeudi 8 Octobre  2015 :  Rodeiro > Lalin > Laxe (28,6 km)

 


    La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France
    Blaise Cendrars
    (Suite...)

    Le ciel est comme la tente déchirée d’un cirque pauvre dans un petit village de pêcheurs
    En Flandres
    Le soleil est un fumeux quinquet
    Et tout au haut d’un trapèze une femme fait la lune.
    La clarinette le piston une flûte aigre et un mauvais tambour
    Et voici mon berceau
    Mon berceau
    Il était toujours près du piano quand ma mère comme Madame Bovary
    jouait les sonates de Beethoven
    J’ai passé mon enfance dans les jardins suspendus de Babylone
    Et l’école buissonnière, dans les gares devant les trains en partance
    Maintenant, j’ai fait courir tous les trains derrière moi
    Bâle-Tombouctou
    J’ai aussi joué aux courses à Auteuil et à Longchamp
    Paris-New York
    Maintenant, j’ai fait courir tous les trains tout le long de ma vie
    Madrid-Stockholm
    Et j’ai perdu tous mes paris
    Il n’y a plus que la Patagonie, la Patagonie, qui convienne à mon immense tristesse,
    la Patagonie, et un voyage dans les mers du Sud
    Je suis en route
    J’ai toujours été en route
    Je suis en route avec la petite Jehanne de France.

    Le train fait un saut périlleux et retombe sur toutes ses roues
    Le train retombe sur ses roues
    Le train retombe toujours sur toutes ses roues.

    “Blaise, dis, sommes-nous bien loin de Montmartre?”

    Nous sommes loin, Jeanne, tu roules depuis sept jours
    Tu es loin de Montmartre, de la Butte qui t’a nourrie,
    du Sacré-Cœur contre lequel tu t’es blottie
    Paris a disparu et son énorme flambée
    Il n’y a plus que les cendres continues
    La pluie qui tombe
    La tourbe qui se gonfle
    La Sibérie qui tourne
    Les lourdes nappes de neige qui remontent
    Et le grelot de la folie qui grelotte comme un dernier désir dans l’air bleui
    Le train palpite au cœur des horizons plombés
    Et ton chagrin ricane…

    “Dis, Blaise, sommes-nous bien loin de Montmartre?”

    Les inquiétudes
    Oublie les inquiétudes
    Toutes les gares lézardées obliques sur la route
    Les fils télégraphiques auxquels elles pendent
    Les poteaux grimaçants qui gesticulent et les étranglent
    Le monde s’étire s’allonge et se retire comme un accordéon qu’une main sadique tourmente
    Dans les déchirures du ciel, les locomotives en furie
    S’enfuient
    Et dans les trous,
    Les roues vertigineuses les bouches les voix
    Et les chiens du malheur qui aboient à nos trousses
    Les démons sont déchaînés
    Ferrailles
    Tout est un faux accord
    Le broun-roun-roun des roues
    Chocs
    Rebondissements
    Nous sommes un orage sous le crâne d’un sourd…
    .........
     



Ô les belles sentes de Galice sur lesquelles marcher est un ravissement...


Et  l'eau qui s'écoule comme le flot des poèmes que je déclame...



Matin brumeux, pèlerin heureux !



Une nouvelle balise ?



L'herbe est molle et profonde 
Sous les branches qui pendent, 
Lourdes de fruits et de fleurs blanches ; 
Lourde est la senteur enivrante, 
Et douce est l'ombre. On s'y étend ; 
Un sourd sommeil coule dans le sang.
Charles Van Lerberghe



Et le Poète dit qu'aux rayons des étoiles
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis ;
Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.
Arthur Rimbaud - Ophélie


Un beau spécimen d'Horreo



La Iglesia de Eirexe



A Eirexe, fontaine, je boirai de ton eau !



Les eucalyptus de Galice


   
Un dindon et ce chien qui après une attitude aggressive s'est soudain calmé !


Non, on ne se lasse pas de marcher sur ces beaux chemins !


La nature est belle et apaisante...



Ce champignon aux belles couleurs, sans doute pas comestible !



Mystère du Chemin !

Le sang de mes veines
pour irriguer les désirs
Le cri pour faire éclater la joie !


Iglesia de Nuestra Señora de los Dolores à
Lalin


Le joli ruisseau pour accompagner la fin de l'étape...


Messire Héron surpris de me rencontrer !


A genoux pèlerin ! pour baiser Gaïa cette Terre qui me donne tant d'Amour !



A la fin de l'étape...

 


    Je prends un bon petit-déjeuner servi par la patronne qui est vraiment agréable et sympathique !
    Je quitte le bar à 7h30. Je prends une petite route qui devient un chemin le long d'un arroyo que
    je vais suivre pendant un moment. Il y a beaucoup de brume et le soleil mettra du temps à
    émerger... Traversée de pueblos avec les chiens qui aboient à mon passage et les autochtones
    qui ne manquent pas de me saluer !

    Ensuite, alternance de beaux sentiers, de pistes forestières, de chemins herbeux et boueux, comme
    il a plu les jours précédents. Je traverse des forêts où se mêlent pins, sapins, chênes et eucalyptus.
    Des prairies vertes, de la lande avec chênes, bruyères et fougères. C'est une Galice qui diffère de
    celle que j'ai traversé les jours précédents. Il y a plus de diversité dans la nature qui est maintenant
    bien éclairée et réchauffée par un beau soleil !

    Il y a beaucoup de petits dénivelés qui finissent par user et fatiguer les genoux...
    J'arrive à Lalin à 14h où je vais faire une pause dans un bar avec un coca bien glacé .
    Je vais suivre ensuite le Paseo Pontiñas traversé par un ruisseau et qui est un lieu de promenade
    et de
    jogging pour les habitants de cette cité. C'est un magnifique paysage avec des petits moulins
    restaurés et de nombreux arroyos que l'on traverse sur de jolies petites passerelles...

    Malheureusement, à la sortie de ce Paseo, je vais suivre des flèches (sans doute un ancien balisage)
    qui vont me faire galérer un moment dans la zone industrielle et c'est après pas mal d'efforts et
    des kilomètres superflus que j'arrive à l'Albergue vers 16h. Là, j'ai rejoint la Via de la Plata et
    je retrouve quelques pèlerins, dont un groupe de 3 polonaises. A 18 h, je vais au restaurant
    Maria José qui se trouve un peu plus haut sur la Nationale 525. J'ai la Wifi ce qui me permet de
    communiquer et d'envoyer quelques photos, puis je me réconforte avec un bon dîner arrosé
    comme il se doit d'un bon Vino Tinto !



 Lien avec le site Mundicamino
 


Hébergement à l'Albergue de la Xunta de Galicia à Laxe
Bien équipée, moderne et spacieuse
3 Coquilles
 



    La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France

    Blaise Cendrars
    (Suite...)

    “Dis, Blaise, sommes-nous bien loin de Montmartre?”

    Mais oui, tu m’énerves, tu le sais bien, nous sommes bien loin
    La folie surchauffée beugle dans la locomotive
    La peste le choléra se lèvent comme des braises ardentes sur notre route
    Nous disparaissons dans la guerre en plein dans un tunnel
    La faim, la putain, se cramponne aux nuages en débandade
    Et fiente des batailles en tas puants de morts
    Fais comme elle, fais ton métier…

    “Dis, Blaise, sommes-nous bien loin de Montmartre?”

    Oui, nous le sommes, nous le sommes
    Tous les boucs émissaires ont crevé dans ce désert
    Entends les sonnailles de ce troupeau galeux
    Tomsk Tchéliabinsk Kainsk Obi Taïchet Verkné Oudinsk Kourgane Samara Pensa-Touloune
    La mort en Mandchourie
    Est notre débarcadère est notre dernier repaire
    Ce voyage est terrible
    Hier matin
    Ivan Oulitch avait les cheveux blancs
    Et Kolia Nicolaï Ivanovitch se ronge les doigts depuis quinze jours…
    Fais comme elles la Mort la Famine fais ton métier
    Ça coûte cent sous, en transsibérien, ça coûte cent roubles
    Enfièvre les banquettes et rougeoie sous la table
    Le diable est au piano
    Ses doigts noueux excitent toutes les femmes
    La Nature
    Les Gouges
    Fais ton métier
    Jusqu’à Kharbine…

    “Dis, Blaise, sommes-nous bien loin de Montmartre?”

    Non mais… fiche-moi la paix… laisse-moi tranquille
    Tu as les hanches angulaires
    Ton ventre est aigre et tu as la chaude-pisse
    C’est tout ce que Paris a mis dans ton giron
    C’est aussi un peu d’âme… car tu es malheureuse
    J’ai pitié j’ai pitié viens vers moi sur mon cœur
    Les roues sont les moulins à vent du pays de Cocagne
    Et les moulins à vent sont les béquilles qu’un mendiant fait tournoyer
    Nous sommes les culs-de-jatte de l’espace
    Nous roulons sur nos quatre plaies
    On nous a rogné les ailes
    Les ailes de nos sept péchés
    Et tous les trains sont les bilboquets du diable
    Basse-cour
    Le monde moderne
    La vitesse n’y peut mais
    Le monde moderne
    Les lointains sont par trop loin
    Et au bout du voyage c’est terrible d’être un homme avec une femme…

    “Blaise, dis, sommes-nous bien loin de Montmartre?”

    J’ai pitié j’ai pitié viens vers moi je vais te conter une histoire
    Viens dans mon lit
    Viens sur mon cœur
    Je vais te conter une histoire…
    Oh viens! viens!

    Aux Fidji règne l’éternel printemps
    La paresse
    L’amour pâme les couples dans l’herbe haute et la chaude syphilis rôde sous les bananiers
    Viens dans les îles perdues du Pacifique!
    Elles ont nom du Phénix, des Marquises
    Bornéo et Java
    Et Célèbes a la forme d’un chat.

    Nous ne pouvons pas aller au Japon
    Viens au Mexique!
    Sur ses hauts plateaux les tulipiers fleurissent
    Les lianes tentaculaires sont la chevelure du soleil
    On dirait la palette et les pinceaux d’un peintre
    Des couleurs étourdissantes comme des gongs,
    Rousseau y a été
    Il y a ébloui sa vie
    C’est le pays des oiseaux
    L’oiseau du paradis, l’oiseau-lyre
    Le toucan, l’oiseau moqueur
    Et le colibri niche au cœur des lys noirs
    Viens!
    Nous nous aimerons dans les ruines majestueuses d’un temple aztèque
    Tu seras mon idole
    Une idole bariolée enfantine un peu laide et bizarrement étrange
    Oh viens!
    ..........
    Suite à l'étape suivante...


La brume du matin...

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