Dimanche 20 Septembre 2015 : Castronuño > Toro - 21,5 km

 


    Le Poète

    Le lit des choses est grand ouvert. Je me suis endormi, pensant que c'était trop beau
    et que la terre s'échapperait. Je craignais tout des ventilations absurdes d'une nuit en colère.
    Les matins me fustigeaient. Je vivais crédu­lement. Sourcier infatigable, je cherchais l'Orifice originel, premier ouvrage par où passer la tête et crier au Soleil. J'ai trouvé! Je confectionne sur mesure une amoureuse. (En vérité, elle m'est venue d'une ville rêvée posée sur de grands boutons-d'or.) 

    Les peu­pliers s'organisent. Les rossignols composent. Il me souvient que l'ivresse nous emporta dans
    un vivant exercice : le mariage. Elle était si naturelle sous sa robe. Je fus sensible aux courbes aux
    frémissements particuliers aux aspérités inattendues de sa chair, à la marée montante ou descendante
    des muscles, à la dentelle des phrases ajourées de soupirs, à ses lianes ses diadèmes ses chevelures
    ses crépuscules d'Eve naissante, à la sagesse et à la déchirure de ses bords. 

    Elle me parla comme à un bouclier. J'avais autorité pour prendre sa défense. Pieds nus sur le fil blanc
    du rêve, nous courions après nos vêtements en allés. Jamais funambules ne furent si heureux de se
    rejoindre. Et je m'éveille, à l'unisson des terrasses où nos corps à bien menèrent leur cure. Désormais
    l'invention demeure. Ma femme sera mon paysage sen­suel, le diorama de mon âme. Le monde s'est
    embelli. J'aspire littéralement l'avenir. La clarté du jour m'assiste. Je grimpe à l'échelle de corde de
    l'enthousiasme. 

    O c'est plus que jamais l'heure des diamants érectiles ! Les alentours se métamorphosent.
    De coutume le coeur de la biche ne boule pas ainsi, l'eau a moins de charme, les oiseaux ne tombent
    pas si verticalement sur le ciel, l'air n'offre pas sa charpente avec autant de pompe ou de vigueur.
    Je vois enfin le plus beau frisson de l'arbre. Et le silence a trop vite plongé son glaive dans la pierre
    pour que je ne devine rien : Tu es là.

    Henri Pichette
    In, «
    Les Epiphanies »




Matin magique sur le Rio Duero


...

Avec cette brume que le soleil levant va dissiper...





Résonance des sons et des couleurs
Oiseaux quel est votre liturgie
pour élever ansi nos âmes ?...


On voit là des cheminées de ce qui doit être des fours de poterie


Après Villafranca del Duero, je fais une pause au bord du rio Duero


Une tour insolite au milieu d'un paysage désolé...


Il reste 12 kilomètres et je prends un temps de récupération...


Long passage au milieu des champs de maïs...


...avec le Rio Duero tout proche...


Ah ! Voilà au loin la belle cité de Toro


Le pont sur le Rio Duero au pied de Toro


L'Alcazar Real de Toro


Du haut de la cité on a une belle vue sur la vallée du Duero






Colegiata de Santa Maria la Mayor








    
Saint-Jacques                                et             Saint-Jean Baptiste


La Madone en majesté avec l'enfant Jésus






Le Portique de la Majesté de style Gothique Polychrome qui a conservé ses couleurs d'origine
et qui a necessité 14 années de nettoyage






Le Rio Duero et le pont au pied de la cité de Toro


La Torre del Reloj vue depuis la Plaza Mayor


       
Arco del Reloj ou Torre del Reloj


    Je quitte la Casa Rural de Castronuño à 7h. Je traverse le village et à la sortie je peux contempler un beau lever de soleil
    sur le Rio Duero  qui coule en contrebas. La descente est raide vers le rio dont je m'écarte peu après ce qui permet un
    magnifique panorama sur la vallée d'où s'échappent des nappes de brume. Ensuite c'est un beau chemin, très vallonné

    avec une succesion de montées et de descentes au milieu de champs labourés et de bosquets de pins avec alentour des
    collines aux formes arrondies...

    Je traverse le village de Villafranca del Duero et à la sortie, je fais une pause dans une aire de pique-nique au bord du Duero.
    Hier j'ai fait provision de quelques noix ramassées sur le chemin et je profite de cette pause pour les casser et les grignoter.
    En ce qui concerne les fruits, la suite du chemin m'offrira généreusement du raisin, des pommes et des figues...

    C'est ensuite une petite route goudronnée et une succession de pistes au sein d'une vaste plaine où sont cultivées de grandes
    étendues de maïs ainsi que des vignes que traversent dans tous les sens une multitude de canaux d'irrigation.

    A 8 km de Toro, je fais une nouvelle pause assis sur le rebord d'un de ces canaux. La suite du chemin se déroule au milieu
    de ces champs de maïs et je romps cette monotonie avec la déclamation des nouveaux poèmes appris ces jours derniers !...
    Vers la fin de l'étape je me rapproche du Rio Duero ce qui offre un bel environnement avec écluses, cabanes pour l'observation
    des oiseaux et toute une flore propre à la proximité des fleuves...
     
    Les 2 derniers kilomètres sont un peu éprouvants et arrivé au pied de la cité de Toro,
    en suivant un petit chemin de terre,
    je pars à l'assaut de de ce promontoire surmonté par le Castillo et les églises de cette belle cité..


    J'arrive au centre-ville vers 15h30 et je vais directement à la Pension Zamora où je reçois un bon accueil. Je dispose d'une
    petite chambre à 2 lits avec les sanitaires dans le couloir. C'est propre et très bien situé au centre de la cité.
    En fin d'après-midi je visite la ville et plus particulièrement la Colegiata de Santa Maria la Mayor construite entre les
    12ème et 13ème siècles et qui présente une admirable combinaison des styles roman et gothique.
    J'ai pu y admirer une belle
    statue de Saint-Jacques et le portique polychrome richement ornementé et ce qui est rare,
    les couleurs ont gardé tout leur éclat !

    Le soir dîner dans le restaurant attenant à la Pension et après le Pacharan traditionnel, je vais me coucher de bonne heure,
    car demain l'étape sera longue !

     



Lien avec le commentaire de Gilbert

Lien avec le commentaire "Chemin du Levant"



Hébergement à la Pension Zamora - 5 Calle Puerta del Mercado - Tél. 980 69 29 20
Petite chambre à 2 lits - SDB à l'extérieur -
Bon accueil
20 Euros  (avec petit-déjeuner) - Propre et central
 3 Coquilles
 



    Etre nue c’est être absolue

    Paulina était nue.
    Etre nue, c’est être absolue enfin. Elle se sentait nue dans son ventre enveloppé d’ombre,
    dans ses deux mamelles visibles dont les pointes durcissent à l’air frais, dans sa chevelure
    déployée, dans l’intérieur de son esprit.

    Les regards de Michele l’absorbaient elle et son secret.

    Je ne lui cache plus le secret, qu’il cherche à le lire.

    Je lui obéis s’il parle, je m’apprête sur un signe, je me tiens comme il le demande,
    pour faire ressortir une beauté qui lui plaît aujourd’hui.

    La nudité c’est le charme, l’enfance, ou encore la guerre. Je vais lui faire la guerre
    merveilleusement douce et flanc à flanc. 
    Je vais le conquérir : toi par moi et moi par toi.
    Elle regarde l’ennemi, il est beau, l’homme nu est une chose si une qu’elle en tremble. 
    Elle est bouleversée et affaiblie. Il vient.

    A côté de leur passion, plus loin ou plus bas que leur passion, ou même sans elle,
    la vie de leurs deux corps, de leur corps unique poursuivait son propre plaisir et
    accomplissait sa destinée.

    Le corps est une chose sainte.

    Paulina cherchait souvent un état d’illumination et de fureur dans lequel personne
    n’existait plus ni lui ni elle. Elle était désorbitée, jetée à l’infini. Mais parfois c’était
    simplement le bonheur d’être sa femme, rien que sa femme, le double de son bonheur,
    une faible partie de son souffle.

    Un autre jour l’imagination poétique intervenait, faussait les caractères, elle croyait
    être prise par un homme-animal qui n’était pas Michele et qu’elle adorait comme un
    fétiche. Elle avait aussi le désir d’être un homme afin de le prendre lui, de quitter la
    passivité, qui la minute suivante lui donnait sa joie. O fantômes ! O contraires.
    Pour la quatrième ou cinquième fois elle perdait le sens et sa raison fondait dans la joie
    comme une étoile dans le ciel du matin.

    Terre céleste ! terre céleste ! comment rester avec toi.


    Pierre-Jean Jouve
    In, "Paulina 1880"



Détail du Portique de la Majesté

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