Mardi 14 Août 2018 - Caudete > Almansa  - 27 km
5ème étape



    "
    Exige beaucoup de toi-même et attends peu des autres. Ainsi beaucoup d'ennuis te seront épargnés."

    Confucius




La Ermita de Santa Ana dans la nuit...


Tiens, je l'ai attrappé avant qu'il ne détale...



On change et de Communauté et de Province...





Les premières éoliennes...


Longues pistes au milieu des terres agricoles...


...On n'en voit pas la fin...



Ces couleurs de fin d'été que j'aime...





Arrivée en vue d'Almansa dominée par son Castillo


Le Castillo d'Almansa

                             
Porche armorié et
la Iglesia arciprestal de la Asunción 


La nef de l'église


 


    Aujourd'hui pas grand chose à dire... C'est un long cheminement entre voie ferrée et autoroute en légère ascension sans
    village intermédiaire et donc sans point d'eau...Il vaut mieux prévoir !
    Je quitte l'Albergue à 5h15. La sortie de la ville repérée la veille est assez facile, il fait plutôt frais avec un peu de vent.
    Au cours des premiers kilomètres, j'ai un peu de mal à démarrer avec des douleurs dans les cuisses, je dois m'arrêter
    plusieurs fois, faire quelques assouplissements et refaire les réglages du sac.

    Je m'arrête une première fois pour manger des amandes, en effet le chemin passe au milieu de champs d'amandiers
    et de vignobles. Le jour se lève et ce chemin de terre que j'ai suivi depuis le début va peu à peu se rapprocher de
    l'autoroute que je vais longer pendant un moment en suivant une piste caillouteuse...
    Un peu avant d'atteindre les 13 km de marche, je m'arrête pour faire une pause plus longue, me rafraîchir les pieds
    et manger des
    "Mini Empanadilla Pisto" sortes de biscuits farcis avec tomate, poivron, thon et blanc d'œuf.

    J'ai déclamé
    "La Prose du Transssibérien et de la petite Jeanne de France" de Blaise Cendrars,
    puis j'ai continué d'apprendre
    "Compagnon des Amériques" du poète québécois Gaston Miron.
    L'environnement est agricole, des champs de céréales, des vignes, quelques champs d'oliviers et quelques champs
    d'amandiers. J'ai face à moi l'autoroute et un peu plus loin une voie ferrée où passent régulièrement des trains...

    Après cette pause, je continue à marcher un moment le long de l'autoroute, puis le chemin s'en éloigne quelque peu
    et il va suivre cette fois la voie ferrée, et un peu plus loin à nouveau le chemin longe l'autoroute. Voilà, rien de transcendant.
    C'est une étape longue et qui présente peu d'intérêt. Plusieurs kilomètres avant la fin de l'étape, on aperçoit au loin Almansa
    dominée par son Castillo.

    Enfin me voilà à l'entrée de cette ville. C'est assez long pour arriver au centre ou je m'arrête pour boire une limonade.
    Puis je me rends Calle Campo au numéro 2 où se trouve le Convento Esclavas de Maria .
    Mais en fait l'entrée n'est pas à cette adresse, je cherche un moment avant de me rappeler, puisque j'étais passé ici il y a 3 ans,
    en parcourant le Camino de Levante, qu'il fallait aller au numéro 7 de la Calle Miguel de Cervantes.
     

ALMANSA

Hébergement au Convento de Esclavas de Maria
7 Calle Miguel de Cervantes
(Et non C. Campo, 2 comme indiqué dans les guides)
Tél. 967 341 557 - 620 856 934
Petite chambre tranquille - Il y a le minimim - 7 Euros
2 Coquilles




Le Castillo de Almansa

 


    L’Effraie


    La nuit est une grande cité endormie où le vent souffle...
    Il est venu de loin jusqu'à l'asile de ce lit.
    C'est la minuit de juin.
    Tu dors, on m'a mené sur ces bords infinis,
    le vent secoue le noisetier.

    Vient cet appel
    qui se rapproche et se retire, on jurerait une lueur fuyant à travers bois,
    ou bien les ombres qui tournoient, dit-on, dans les enfers.
    (Cet appel dans la nuit d'été, combien de choses j'en pourrais dire, et de tes yeux...)
    Mais ce n'est que l'oiseau nommé l'effraie,
    qui nous appelle au fond de ces bois de banlieue.
    Et déjà notre odeur est celle de la pourriture au petit jour,
    déjà sous notre peau si chaude perce l'os,
    tandis que sombrent les étoiles au coin des rues.

    Tu es ici, l'oiseau du vent tournoie, toi ma douceur, ma blessure, mon bien.
    De vieilles tours de lumière se noient et la tendresse entrouvre ses chemins.
    La terre est maintenant notre patrie.
    Nous avançons entre l'herbe et les eaux,
    de ce lavoir où nos baisers scintillent à cet espace où foudroiera la faux.

    «Où sommes-nous? »
    Perdus dans le cœur de la paix.
    Ici, plus rien ne parle que, sous notre peau, sous l'écorce et la boue,
    avec sa force de taureau, le sang fuyant qui nous emmêle,
    et nous secoue comme ces cloches mûres sur les champs.

    Comme je suis un étranger dans notre vie,
    je ne parle qu'à toi avec d'étranges mots,
    parce que tu seras peut-être ma patrie,
    mon printemps, nid de paille et de pluie aux rameaux,
    ma ruche d'eau qui tremble à la pointe du jour,
    ma naissante Douceur-dans-la-nuit...
    (Mais c'est l'heure que les corps heureux s'enfouissent dans leur amour
     avec des cris de joie, et une fille pleure dans la cour froide.
     Et toi?
     Tu n'es pas dans la ville, tu ne marches pas à la rencontre des nuits,
     c'est l'heure où seul avec ces paroles faciles je me souviens d'une bouche réelle...)

    Ô fruits mûrs, source des chemins dorés, jardins de lierre, je ne parle qu'à toi,
    mon absent, ma terre...

    Je sais maintenant que je ne possède rien, pas même ce bel or qui est feuilles pourries,
    encore moins ces jours volant d'hier à demain à grands coups d'ailes vers une heureuse patrie.

    Elle fut avec eux, l'émigrante fanée, la beauté faible, avec ses secrets décevants,
    vêtue de brume.
    On l'aura sans doute emmenée ailleurs, par ces forêts pluvieuses.
    Comme avant, je me retrouve au seuil d'un hiver irréel où chante le bouvreuil obstiné,
    seul appel qui ne cesse pas, comme le lierre.
    Mais qui peut dire quel est son sens?
    Je vois ma santé se réduire, pareille à ce feu bref au-devant du brouillard
    qu'un vent glacial avive, efface...
    Il se fait tard.

    Comme un homme qui se plairait dans la tristesse
    plutôt que de changer de ville ou bien d'errer,
     je m'entête à fouiller ces décombres, ces caisses,
    ces gravats sous lesquels le corps est enterré
    que formèrent nos corps quand ils étaient serrés sur un lit de passage
    avec des cris de liesse.
    (C'est dans ce temps que notre ciel s'est éclairé, d'un astre sombre,
     et que j'eus bientôt mis en pièces...)

    Ah! lâcher pour de bon ferraille, plâtre et planches!
    Non, comme un chien je flaire un parfum répandu et gratte si profond
    qu'enfin j'aurai mon dû :
    de tomber à mon tour en poussière bien blanche et de n'être plus rien
    qu'ossements vermoulus pour avoir trop cherché ce que j'avais perdu.

    Sois tranquille, cela viendra!
    Tu te rapproches, tu brûles!
    Car le mot qui sera à la fin du poème, plus que le premier sera proche de ta mort,
    qui ne s'arrête pas en chemin.

    Ne crois pas qu'elle aille s'endormir sous des branches
    ou reprendre souffle pendant que tu écris.
    Même quand tu bois à la bouche qui étanche la pire soif,
    la douce bouche avec ses cris doux,
    même quand tu serres avec force le nœud de vos quatre bras
    pour être bien immobiles dans la brûlante obscurité de vos cheveux,
    elle vient,
    Dieu sait par quels détours, vers vous deux, de très loin ou déjà tout près,
    mais sois tranquille, elle vient : d'un à l'autre mot tu es plus vieux.

    Philippe Jaccottet

 

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