Jeudi 16 Sept. 2021 - Ponte San Giovanni > Assise - 18 km
37ème étape
(Ombrie)



    Extraits du livre de Christian Bobin "Le Très-Bas"

    Un moineau parle : je suis une mie de pain dans la barbe du Christ,
    un brin de sa parole, de quoi nourrir le monde jusqu’à la fin du monde.

    Un rouge-gorge parle : je suis une tache de vin sur la chemise du Christ,
    un éclat de son rire au retour du printemps.

    Une alouette parle : je suis l’ultime soupir du Christ, je monte droit au ciel,
    je cogne du bec au ciel bleu clair, je demande que l’on m’ouvre, j’emmène
    dans mon chant toute la terre, je demande, je demande, je demande.

    Et tous et toutes ainsi pépient et chantent et viennent connaître la vérité
    de leur chant auprès de
    François d’Assise, près de l’homme-arbre, de
    l’homme-fleur, de l’homme-vent, de l’homme-terre….

    ….Il parle aux hirondelles et s’entretient avec les loups. Il entre en réunion
    avec des pierres et organise des colloques avec des arbres. Il parle avec tout
    l’univers car tout a puissance de parole dans l’amour, car tout est doué de
    sens dans l’amour insensé…..

    ….Il y a bien d’ailleurs un âne dans la vie de François. Il dort quand François dort,
    il mange quand François mange, il prie quand François prie. Il ne le quitte jamais,
    l’accompagne du premier au dernier jour. C’est le corps de François d’Assise, c’est
    son propre corps qu’il appelle ainsi : « mon frère l’âne » - manière de s’en détacher
    sans le rejeter, car c’est avec ce compagnon qu’il faut aller au ciel, avec cette chair
    impatiente et ces désirs encombrants : pas d’autre accès aux sommets éternels que
    par cette voie-là, escarpée, caillouteuse, un vrai chemin de mulet....
     

 




À la sortie de Ponte San Giovanni...




                        



Église di San Michele Arcangelo à Bastia Umbra





Le dôme de la Basilique Sainte-Marie des Anges au pied d'Assise

Et voilà après 37 jours de marche... j'arrive au pied de la cité du Poverello...  



Émerveillement...


 


    "Comme tous ceux qui, depuis la plaine de l'Ombrie, voient Assise pour la première fois,
    je fus saisi, en sortant de la gare, par son apparition dans la clarté d'été, par la vision de
    cette blanche cité perchée à flanc de colline, suspendue entre terre et ciel, étendant largement
    ses bras dans un geste d'accueil. Figé sur place, j'eus le brusque pressentiment que mon voyage
    ne serait pas que touristique, qu'il constituerait un moment décisif de ma vie. Je me surpris à
    m'exclamer en moi-même : "Ah, c'est là le lieu, mon lieu ! C'est là que mon exil va prendre fin !"


    (François Cheng - "Assise, une rencontre inattendue")
     

 

 


    "Bien plus tard, je comprendrais mieux le surgissement de cette singulière intuition.
    Que voulais-je dire par la phrase : "C'est là
    le lieu, mon lieu"? Cela ne signifie nullement
    que j'aurais trouvé un nouveau terroir qui pourrait se substituer à ma terre natale.
    Il s'agissait d'une fulgurante rencontre qui me rappelait le rapport fécond que l'homme
    se doit d'entretenir avec la terre. La vue de ce haut lieu réveilla en moi la réminiscence
    de la tradition du
    feng shui, la géomancie chinoise : un site exceptionnel est censé avoir
    le pouvoir de propulser l'homme vers le règne supérieur de l'esprit. Et je vis combien le
    site d'Assise qui se déployait devant mes yeux était marqué d'un signe faste."


    (François Cheng - "Assise, une rencontre inattendue")
     

 

 


    Cette ville pleinement exposée au soleil, à la fois distante et ouverte, suffisamment élévée pour
    dominer la plaine, tout en se laissant protéger par le haut mont auquel elle s'adosse, a atteint
    un degré d'équilibre miraculeusement juste. Attiré sans doute par cet équilibre, le souffle vital
    qui circule entre terre et ciel y séjourne volontiers, y épandant ses clartés favorables. Surgit alors
    en moi la conviction ancrée dans l'imaginaire chinois, conviction provenant de la même tradition
    géomantique  : "
    Un petit coin de terre possédant du génie est à même d'engendrer un génie humain
    à dimension universelle.


    (François Cheng - "Assise, une rencontre inattendue")
     








Assise


Un frère franciscain ouvre la marche...


Moment d'émotion au pied d'Assise...


Monastère Sainte Colette des Clarisses d'Assise

                                       
La porte médiévale San Pietro et une ruelle qui monte dans la cité...



Basilica di San Francesco


Église inférieure de la Basilique


Église supérieure de la Basilique



Le tombeau de Saint-François

                                   

 


    En guise d'oraison funèbre

    François, mon frère, voilà que tu nous a quitté alors que j'étais tout prêt d'arriver à Assise
    pour y rencontrer ton saint patron François d'Assise. Est-ce le hasard ou doit-on y voir un signe ?
    Pour moi, il y a une évidence, c'est à travers ma pérégrination, que s'est produit cette rencontre
    entre toi François, mon frère, et François le Poverello d'Assise !

    C'est pour cela que je n'ai pas interrompu mon pèlerinage car je me sentais ainsi plus proche de toi
    en continuant ma marche commencée il y a plus d'un mois...

    François, toi qui as toujours été attaché à la famille, toujours en demande de nouvelles des uns et
    des autres, plein de bienveillance et de sentiments affectueux, j'ai voulu ainsi honorer ta mémoire
    en t'emmenant avec moi au cours de ces dernières étapes qui m'ont conduit à Assise.

    C'est une fin de pèlerinage que je n'aurais pas imaginée, mais cette rencontre inattendue s'avère
    être un cadeau du ciel et revêt de Lumière et de Paix ce moment de deuil et de tristesse.

    Ainsi devant le tombeau de François d'Assise je t'ai confié au Poverello pour qu'il te revête d'un
    manteau de Lumière et t'accompagne dans ton élévation vers les sphères célestes...

     

 














Cloître de Sixte IV derrière l'abside de la basilique


Une vue élargie de la Basilique

                                



Les toits d'Assise dominés par le clocher de San Pietro








 


    Extrait du livre de Christian Bobin "Le Très-Bas"

    ...François d'Assise ne pouvait éviter cette rencontre avec une femme aimante, sa sœur, son double. Il n'y a

    rien à dire d'elle, sinon qu'ils se complètent comme les deux piliers de l'arc-en-ciel, toutes nuances d'amour
    passant de l'un à l'autre, toutes couleurs du songe. Il n'y a rien à dire d'elle que son nom, et son nom dit ce
    qu'elle est, ce qu'elle donne : Claire, clairière, claire-voie, clairvoyant, éclair, éclaircie : tous ces noms sont
    dans son nom, toutes ces lumières viennent d'elle, jeune fille de seize ans que ses parents veulent marier,
    jeune fille comme en voit dans les anciennes chansons françaises, oiseau rebelle au chant qu'on lui apprend..

    ..Elle s'en va la nuit de la maison de ses parents, passe une porte dérobée, obstruée par un gros tas de bois,
    enlève les bûches une à une de ses mains, file dans la nuit étoilée jusqu'à celui qui a médité l'enlèvement,
    le roi de cœur, le prince de fugue, François d'Assise...
     


                      

Basilique Sainte-Claire d'Assise


    "Un jour au jardin de Claire, j'étais seul à jouir, une fois de plus, de l'émouvant paysage ombrien,
    lorsque arriva un petit groupe. Deux jeunes filles qui se tenaient près du mur sur lequel est gravé
    le Cantique se mirent à en chanter tout le texte. Après qu'elles eurent fait entendre plusieurs couplets, irrépressiblement, je joignis à leurs voix cristallines la mienne, de basse-baryton. L'effet en fut saisissant.
    L'air vibrait de mots magiques, et nous ne doutions pas que François fut là au milieu de nous, apaisé, heureux."


    (François Cheng - "Assise, une rencontre inattendue")
     




La Forteresse Rocca Maggiore






Abazia di San Pietro



 



    Dénivelé en fin d'étape pour monter jusqu'au centre d'Assise.

    Après un bon petit-déjeuner à l'hôtel, comme je n'ai pas trouvé d'hébergement à Torgiano qui normalement d'après le
    Topo-Guide est la dernière étape avant d'arriver à Assise, je décide d'aller directement depuis Ponte San Giovanni vers
    ma destination finale en cherchant sur Maps le meilleur itinéraire en évitant les routes nationales.

    Cependant pour sortir de la localité, je dois affronter pendant presqu'une heure une circulation importante entre
    nationales et ronds-point. Enfin j'arrive sur une route moins fréquentée et je continue sur un parcours qui traverse
    plusieurs localités dont principalement Bastia-Umbra où je m'arrête à un bar pour faire une pause et boire un verre.

    Après environ 12 kilomètres, j'aperçois Assise allongée sur une colline face à moi....
    C'est magnifique et je ressens une forte émotion devant la cité du Poverello, terme de ma pérégrination.
    Je passe près de la Basilique Sainte-Marie des Anges à l'intérieur de laquelle se trouve la Portioncule, que j'irai visiter
    un matin prochain. Il reste 4 kilomètres que je vais parcourir le cœur empli d'une joie profonde mêlée à une certaine
    nostalgie de ces 37 jours de marche qui s'achèvent aujourd'hui...

    Encore quelques efforts pour grimper jusqu'à l'entrée de la cité. Je passe par la Porta San Pietro, puis je prends la
    Via Borgo San Pietro pour arriver au Monastère des Clarisses Françaises où j'avais prévenu de mon arrivée et où
    je reçois un accueil fraternel. Je dispose d'une petite chambre avec salle de bains dans un environnement agréable
    et très tranquille.

    Après un bon temps de repos, je me dirige vers la Basilique de San Francesco où je vais en premier m'incliner devant
    le tombeau du Poverello auquel je confie mon frère François décédé quelques jours auparavant. Je visite les 2 niveaux,
    l'église inférieure et l'église supérieure et je vais ensuite au Bureau des Pèlerins où je me fais remettre un magnifique
    document attestant de mon pèlerinage.

    Avant d'aller dîner, je monte vers la Basilique di Santa Chiara, (Sainte-Claire) en traversant une partie de la ville.
    Je redescends pour trouver un restaurant près de mon hébergement et j'en profite pour visiter l'église San Pietro
    toute proche.

     

 

  

 Le Testimonium remis au Bureau des Pèlerins, document attestant de mon pèlerinage à Assise
 


Hébergement au
Monastère Sainte Colette des Clarisses d'Assise
Petite chambre tranquille avec salle de bains.
Ofiices et petit-déjeuner sur place
C'est le lieu idéal pour rester 2-3 jours le temps de visiter Assise
et de s'imprégner de ce haut-lieu spirituel

5 coquilles




Une vue d'Assise prise sur Internet



    Texte extrait du très beau livre de André Weill :
    "Sur le chemin d'Assise, présence et simplicité" :


    Assise

    Sous les coups de butoir répétés du soleil, de la pluie et du grand vent, l’âme s’est libérée, dénudée.
    Les nomades au long cours connaissent le vertige des arrivées et appréhendent le retour au monde,
    cet instant fragile, ce moment de vulnérabilité, subtil et délicat. L’arrivée est une étape du pèlerinage
    difficile à traverser. Tout à la fois, une mort et une naissance. Un passage qui met fin à la folie du
    cheminement, mais qui ouvre en même temps à la folie de l’agitation.


                                                                                                   
     Le véritable moine est homme à l’extérieur
                                                                                                                                           et ciel à l’intérieur.


    Tout est parfait. Il est midi à Sainte-Marie-des-Anges quand ça bouge dans le ventre, un pressentiment.
    Mis à part les cigales et les tourterelles, aucune des personnes qui s’agitent à l’entour ne se doutent de rien.
    Le marcheur marche. Il marche comme s’il ne devait jamais s’arrêter. Il marche droit devant, sans attention
    aux bariolés qui l’entourent, aux commerces, aux voitures, aux ronds-points, aux panneaux lumineux ni aux
    bus et leurs immenses parkings. Comme la flèche se rend à la cible, le pèlerin se rend à François
     .

    Un instant, il s’arrête et observe les agitations autour de lui qui semblent totalement l’ignorer, préoccupées
    qu’elles sont à trouver à manger afin de pouvoir continuer à s’agiter dans le temps imparti. Le pèlerin se sait
    trop transparent, trop diaphane, trop fragile pour attirer l’attention. Après une ou deux respirations, il reprend
    la marche. Le temps presse. Ainsi la rencontre avec François.


    Laisser la basilique de Sainte-Marie-des-Anges à main droite, rejoindre la demeure du Tau à main gauche en
    haut de la colline. Deux kilomètres en apesanteur sur un chemin pavé de briques rouges. Chaque brique porte
    le nom d’un bienheureux donateur après le tremblement de terre du 27 septembre 1997.



    La crypte


    Remonter la via San Francesco, délaisser les hôtels et les boutiques, puis déboucher sur le parvis de la basilique.
    L’air est déjà chaud, la terre tremble, la lumière vibre, l’espace se courbe. Ensuite pénétrer dans la basilique,
    grosse bâtisse appuyée à la roche. En un geste lent, donc sacré, s’éloigner du bruit du monde, descendre les
    escaliers. Ignorer la caméra de surveillance. Entrer dans la pénombre. Prolonger le taire sur vingt mètres,
    jusqu’au fond de la crypte. Arriver au tombeau et lui confier le sac à dos. Se reculer jusqu’au premier banc venu.
    Et là, en Assise face à François, Lui confier le sac à ventre.


    Le reste est aussi simple que la foi, mais très facile à compliquer. Plonger au cœur du mystère de la vie.
    Abandonner toutes pensées préalables, se laisser flotter au rythme du va-et-vient du magma terrestre.
    Quand les vannes du barrage lâchent, accueillir, ne rien faire. Accueillir le séisme et le tsunami. Compter
    vingt bonnes minutes. Laisser la besace se vider de toutes les boues lacrymales. Et alors, seulement alors,
    commencer à se laisser prier. Voilà c’est aussi simple que ça.


    Larmes généreuses


    Incessants tremblements

    Tsunami d’outre tombe

    Mourir à la terre

    Devenir ciel


    Naître et mourir

    Accoucher, basculer

    Réaliser que tout est parfait

    Dans la perspective divine


    Crypte de la mort

    Tabernacle de la vie
    Onde et matière

    Mystère de l’intime

     

 A suivre ...Les 3 jours à Assise...

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