Samedi 4 Septembre 2021 - Lucques > Altopascio- 18,5 km
25ème étape
(Toscane)



    Les Fioretti de Saint François d'Assise


    Comment Frère Massée implora de Dieu la vertu de la sainte humilité

    Les premiers compagnons de saint François s'ingéniaient de tout leur effort à être pauvres des choses terrestres et
    riches des vertus par lesquelles on parvient aux vraies richesses célestes et éternelles.

    Il advint un jour que, étant réunis ensemble pour parler de Dieu, l'un d'eux donna cet exemple : "Il fut un homme qui
    était un grand ami de Dieu et qui avait de grandes grâces pour la vie active et pour la vie contemplative, et avec cela
    il avait une si excessive et si profonde humilité, qu'il se trouvait un très grand pécheur; cette humilité le sanctifiait et
    le confirmait en grâce et le faisait continuellement croître en vertus et dons de Dieu, et ne le laissait jamais tomber
    dans le péché".

    Frère Massée entendant ces merveilleuses choses sur l'humilité, et connaissant qu'elle était un trésor de vie éternelle,
    commença à être si enflammé d'amour et du désir de cette vertu de l'humilité, que, dans une grande ferveur, levant le
    visage vers le ciel, fit vœu et prit la résolution très ferme de ne jamais se réjouir en ce monde, jusqu'à ce qu'il sentît
    parfaitement ladite vertu dans son âme. Et depuis lors il se tenait presque constamment enfermé dans sa cellule,
    se macérant par des jeûnes, des veilles, des prières, et avec de très grands pleurs devant Dieu, pour implorer de lui
    cette vertu, sans laquelle il se trouvait digne de l'enfer, et dont cet ami de Dieu, dont il avait entendu parler, était
    si bien doué. Et frère Massée demeurant depuis de longs jours dans ce désir, il advint qu'un jour il entra dans le bois,
    et en ferveur d'esprit, il y allait çà et là, jetant larmes, soupirs et paroles demandant à Dieu, avec un fervent désir,
    cette vertu divine. Et parce que Dieu exauce volontiers les prières des humbles au cœur contrit, frère Massée étant
    ainsi, une voix vint du ciel qui l'appela deux fois: "Frère Massée ! Frére Massée !" Et lui, connaissant en esprit que
    c'était la voix du Christ, répondit : "Mon Seigneur ! Mon Seigneur !" Et le Christ lui dit : "Que veux-tu donner pour
    avoir cette grâce que tu demandes ?" Frère Massée répond : "Mon Seigneur, je veux donner les yeux de ma tête".
    Et le Christ lui dit : "Et moi, je veux que tu aies la grâce, et aussi les yeux". Et ceci dit, la voix disparut.

    Et frère Massée demeura rempli d'une telle grâce de la vertu désirée de l'humilité et d'une telle lumière de Dieu, que
    depuis lors il était toujours en jubilation. Et souventefois, quand il priait, il poussait un cri de joie toujours le même
    comme un son étouffé à la façon d'une colombe : "Ou ! ou ! ou !" et avec un visage et un coeur joyeux, il demeurait
    ainsi en contemplation, et avec cela, il était devenu très humble, se réputait le dernier de tous les hommes du monde.
    Interrogé par frère Jacques de Falerone, pourquoi il ne changeait pas l'expression de sa joie, il répondit avec une grande
    allégresse que, lorsque dans une chose on trouve tout bien, il n'est pas besoin d'y rien changer.
     

 





À la sortie de Lucques...








                              



Ce matin le soleil a du mal à apparaître...



Plusieurs églises dans les localités traversées avec le même style de clocher...












J'arrive à Altopascio au moment où a lieu la commémoration de la libération de la ville le 4 septembre 1944


                       





                          
L'église de San Jacopo Maggiore à Altopascio
 


    Étape avec de très légers dénivelés

    Je quitte le gîte à 6h30. Je prends mon petit-déjeuner dans un bar et ensuite je commence ce parcours qui se fait presque
    exclusivement le long de petites routes. Traversée d'une zone industrielle et en plus des 2 localités traversées, il y a tout
    du long de nombreuses zones résidentielles.

    Je rencontre un pèlerin italien, Flavio et vers la fin de l'étape un pèlerin français originaire du Pays Basque, Jean.
    Lorsque j'arrive au centre de Altopascio, il y a une commémoration de la libération de la ville le 4 septembre 1944,
    avec des
    habitants de cette cité habillés en militaires américains et quelques véhicules d'époque.

    Je vais à mon hébergement à l'hôtel Paola qui se trouve à l'entrée de la ville, où j'ai une belle chambre avec SDB pour
    un prix raisonnable. En fin d'après-midi, je vais au centre-ville où je retrouve Jean. Je profite du temps que j'ai devant
    moi pour aller dans une boutique de photos faire une copie sur clé USB des cartes de mon appareil photo.
    C'est une
    précaution au cas où...

    Nous finissons la soirée dans une pizzeria où nous passons un bon moment, heureux tous les deux de pouvoir échanger
    dans notre langue et partager nos diverses expériences des chemins.



Hébergement à l'Hôtel Paola
Francesca Romea, 24 - Altopascio
Très bien et prix correct
Le seul inconvénient c'est que c'est situé à l'entrée de la ville,
donc le lendemain matin, toute la ville à traverser...

4 coquilles




Commémoration de la libération d'Altopascio le 4 septembre 1944



    Texte extrait du très beau livre de André Weill :
    "Sur le chemin d'Assise, présence et simplicité" :



    Trassilico


    Dix heures de sommeil, ça remet un pèlerin sur pied. Et ce matin, la route serpente en Pleine Confiance.
    Elle descend les escaliers de la joie vers les vignes, les oliviers et les hérons du
    Turrite di gallicano qui
    jouent à cache-cache mange-mange avec les truites. Manger, être mangé. Ainsi la sainte lèpre universelle.


    Dans Trassilico, le chemin retrouve trace de vieilles lèpres universelles : ce sont des pancartes qui rappellent
    la misère des partisans et de l’armée américaine combattant les armées fascistes
    « Quand les hommes vivront
    d’amour, il n’y aura plus de misère ».
    Puis nouvelle longue montée à travers les châtaigniers. Ces arbres ont
    été introduits au 10ème siècle en remplacement de la forêt de chêne et de charme. Ils ont permis l’implantation
    de la population et des animaux domestiques. Il reste même un tronc d’arbre multi centenaire, celui du
    Castagno del diavolo

    Le sentier grimpe en lacet vers la lumière, là-haut jusqu’à
    Foce Palodina. Douceur de la marche, en appui sur
    le bâton. Pas de perte de repère, pas de vertige.  Au contraire, une douce procession des instants présents.
    Le temps nous traverse en une file indienne calme, paisible, lumineuse.
    Sthira Sukham Asanam dirait Patanjali. 

    Il est midi, ce 14 août, il fait très chaud. A la fontaine
    San Luigi, les abeilles bourdonnent la liberté. Durant la sieste,
    la tête pique du nez, les pensées s’évadent de leur prison. Devenus sans contrainte, les mots s’amusent. Ils vont et
    viennent, se lâchent dans la tête comme des ballons en plein ciel. Ils se chantent et se récitent. Se psalmodient pour
    le plaisir. Le verbe se rêve marche. Et le cœur troubadour. Détente et ouverture, pleine lumière. Presque peur d’assister
    au spectacle, d’être là, immobile, assis à l’ombre de la chapelle. Joie d’exister sans corporalité, de contempler le chemin
    du rêve réalité. Ainsi le Cantique de François.


    L’après-midi, dans la cathédrale de feuillages, les prières continuent leur ronde enfantine. Elles vont et viennent,
    spontanément, sans raison, sans intention, sans destination. Elles défilent dans un désordre bien déterminé.
    Seigneur Jésus, prends pitié de nous. Confiance en l’enseignement de l’Amour.
    Sarvesham Svastir Bhavatu.
    Maintenant. Mourir à soi. Aum shânti shânti shânti. Paix sur la terre. Mourir à soi avant de mourir à la terre.
    Priez pour Paix. Priez pour la vie main tenue debout. La vie, toute la vie. Rien d’autre. Ainsi frère Rufin, qui
    priait toujours sans arrêt. Même en dormant, même en travaillant, son esprit était toujours avec le Seigneur.



    Cardoso 


    Le chemin d’Assise, c’est comme une cellule monastique, avec les murs en moins. Et la lumière en plus. La lumière
    de la petite enfance, celle qui s’aime à batifoler, telle un papillon qui butine les âmes . Hop là, elles apparaissent
    dans la ligne droite, hop là elles disparaissent au virage suivant. Certaines sont parfois reconnaissables, d’autres
    parfaitement inconnues. Faire et laisser faire. Dire et laisser dire. Inspire s’élever, expire s’abandonner. Energie.
    Courage. Amour. Pas vu le temps passer pour arriver à Cardoso. Normal, le temps ne passe pas, c’est nous qui
    passons. Merci Paola pour l’accueil paroissial. 

    Marche de silence et d’émerveillement sur de petites routes, en approche de la fontaine de San Romano.
    Matinée illuminée par une simple goutte de rosée, un rayon de soleil sur la vigne. Devant moi la lumière,
    c’est un ange qui accompagne un enfant. Un chien les suit. Mystère de l’âme qui se voit traverser la hêtraie
    en balcon au-dessus de la vallée du Fiume Serchio. Libres et délicats moments de la vie qui se chuchote à
    elle-même. 

    A nous de savoir l’écouter. De discerner Fra Angelico dans le contre-jour à travers le feuillage. D’entendre les
    trompettes de Giacomo Puccini dans le vent de la forêt. De percevoir Léonardo da Vinci dans l’exaltation de
    la forêt. De fêter Galileo Galilei au zénith du soleil. De surprendre François prêchant à ses frères les oiseaux. 

    Impression bizarre dès le matin en quittant le village. Pressentiment d’un basculement, comme un appel d’air.
    La simplicité de la marche ouvre le cœur. Ainsi, au
    Pian del Vitellino, devant l’oratoire dédié à Marie, sur le
    sentier
    Cune Vetriano, un peu avant le sanctuaire de San Bartolomeo. Durant la petite pause, le sac se pose,
    les yeux se ferment. La ritournelle se remet en place. Sainte Marie priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et…

    Les yeux s’ouvrent. La main de Marie est là, ouverte. En un geste d’offrande elle tient un collier de cuir portant un
    Tau monté en pendentif. Oui, c’est vrai, on est le 15 août. En une fraction de seconde, le Tau et la Main s’engouffrent
    dans l’espace du cœur. Je ne suis pas un exalté des talismans ni des traditions mariales. Je ne sais rien de l’histoire
    de cet oratoire. Je ne sais rien de l’histoire de ce Tau. Je ne sais pas à qui il appartient, comment il a atterri ici,
    ni de quel message il est porteur. Mais il est entendu que la main de Marie fera désormais partie du voyage.
    Elle m’a donné le Tau de l’amour. Merci Marie, Merci François. Merci de votre surprenante présence conjointe.
    L’un et l’autre vous serez toujours les bienvenus à la Maison.

    La foi c’est l’attention au Vivant. Dit comme ça, la foi c’est très simple. Mais ô combien facile à compliquer.
    On en n’a qu’une faible perception tant qu’on n’a pas atteint ce point où elle est libre de toute intention et donc
    non manipulée par une demande ou une plainte. Pure expérience de vie, une et sans contraire. Jaillissement spontané
    sans obstacle. Dissipation des croyances. Amour contemplatif. Joyeuse éclaboussure. Grâce libre de toute peur,
    de tout conditionnement, de toute imagination, de toute représentation. Ainsi frère Bernard, dont la foi était aussi
    parfaite que son amour de la pauvreté.

    Foi, lorsque la vie se sait la vie. 
    Foi, portail d’entrée à la beauté du monde
    Foi, mélange d’amour, d’enfance et d’amour 
    Foi, passerelle du profane au sacré
    Foi, troublante acceptation de la condition humaine
    Foi, intelligence de la pauvreté 
    Foi qui coule limpide et claire
    Foi qui illumine d’évidence
    Foi qui ne va jamais de soi. Mais de Soi. 
    Foi qui nous met en marche vers la Maison.
    Foi qui nous inquiète et nous émerveille



    Borgo a Mozzano


    Hébergement confort ce soir au couvent Saint François, près de la gare. Bel accueil stylé, professionnel.
    Dîner au milieu de cinquante personnes âgées résidant dans le centre. Prendre le repas en compagnie de personnes
    plus ou moins dépendantes a déclenché en moi des projections sur ma propre vieillesse. Certains pensionnaires
    semblaient vivre ici très simplement dans l’ouverture du cœur. D’autres semblaient ne jamais être sortis de la
    plainte, de la récrimination. Ainsi la multiplicité des œuvres de Dieu.


                                                                                                               
    La sagesse, contrairement à ce qu'on raconte
                                                                                                                                                  ne vient pas avec l'âge.
                                                                                                                      Sage, ce n'est pas une question de temps.
                                                                                                                                            C'est une question de cœur
                                                                                                                                 et le cœur n'est pas dans le temps.


    Corsagna, Pizzorne 


    Demain dernière étape de montagne. Au revoir et merci à vous les montagnes de Ligurie et de Toscane. Tout au long
    du chemin, vos pentes m’ont été apaisement ! Je me suis humanisé dans vos vastitudes. Je n’y ai jamais manqué de
    rien. Merci mille fois pour vos silences nourrissants. Merci à vous partigani, passeurs de lumière. 



    La Toscane des collines

    Pour les quinze jours à venir, fini la bienheureuse solitude. Bienvenue aux clichés touristiques. Bonjour la Via
    Francigena. Cela provoque une petite contraction dans le ventre, bien vite repérée et donc sans grosse conséquence.
    Depuis deux mois, le chemin solitaire m'a appris à faire confiance à ce qui arrive. L'Esprit donne toujours en temps
    voulu ce qui est nécessaire et non pas ce que nos peurs demandent. Voici les routes et chemins de Toscane, bordées
    de vignes et de cyprès. Vive l'innocence. Heureux les simples d'esprit.
    Le reste apparaît prétention, bavardage et illusion.



    Petrognano 


    Dans les lumières cuivrées au dessus de la plaine toscane, la besace s’ébroue, le cœur s’écoule. Les larmes aussi.
    Le petit carnet de voyage engrange les béatitudes de l’instant vivant. 



    Homme en gratitude
    Qui se perçoit 
    Revenu à lui-même 
    Ultreïa, jusqu’au bout
     
    Chemin d’Assise
    Prodigieux conteur
    Depuis Aleph jusqu’à Tav,
    Alphabet de l’être

    Yod, main de Marie 
    Tau, cœur de François 
    La vie en l'instant
    L'en vie de crier 

    Crier le partager 
    Crier l'exister
    Crier la Joie parfaite 
    Merci François

     

 Etape suivante 

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